Mon cher papa : tu es parti avant tout !

 Soumia MEJTIA  

Le monde était vivant avec toi M’Hamed MEJTIA, il est désuet sans toi ! Le sens de toute chose est brisé ; tout a pris du creux, de l’inutile, du dédaléen, rien n’est plus comme avant, comme avec toi.                                

Tu es parti avant tout, avant que je ne puisse te dire toute l’expression de mon amour et de ma gratitude. J’ai préparé ma valise pour un dimanche et tu es parti un jeudi sans bagages, sans rien. De quelques jours, je n’ai pu encore te considérer, te voir, te parler, te faire rire. De quelques jours, j’ai raté mes derniers souvenirs avec toi. De quelques jours, j’ai raté nos dernières embrassades. Je suis arrivée chez toi papa sans que tu sois. La maison était vide, froide, sombre, flottante, inutile, tout le monde était tapi dans l’ombre de sa douleur. J’étais impardonnable dans cette douleur qui ne pardonne pas, ces larmes qui ne soulagent pas, ce refus abyssal de te savoir sans ton corps, sans ton visage, sans tes yeux, sans tes cordes vocales, sans tes mots, sans ta présence. Tout sentait le vide, depuis ma rentrée dans la ville à 1 heure du matin, jusqu’à ta chambre où gisaient toutes tes affaires, où sentait toute ton odeur de vie et d’action. Tu n’étais plus dans tes habits, ni sur ton fauteuil balançant en bois, ni sur ton bureau d’écriture, tout était là sans toi, ton chapelet, tes stylos, tes papiers, tes carnets, ta radio restée muette, ta chambre inaudible criant ton départ imminent, ton non-retour ! J’étais là sans toi, me retrouvant au milieu de ta vie sans vie, me retrouvant ta fille éternelle, ta fille implorant le temps de te faire revenir pour une petite heure, implorant de te retrouver dans cette instance niant toute vie. Je ne me résous pas à cette nouvelle réalité sans toi. Tu me manquais dans la vie et tu me manques dans le mort. Quel jour après toi, quelle joie sans toi !

La nouvelle de ton départ est tombée dans mes oreilles comme un fracas de mots impénétrables. Je n’ai pas su pleurer. Je suis passée à un autre monde, transition rapide et traumatisante. J’avais la tête engourdie, le cœur compressé, les pieds perdus dans tous les sens. J’ai perdu toutes les orientations, tous les repères vitaux. Il y avait un arrêt de quelque chose, une perte de quelque chose de grand, une perte de langage dans ma tête, dans mon cœur, j’ai perdu toute aptitude à dire les mots qui m’annoncent sans faute ta disparition rapide et furtive. C’est en prenant cette route noire, longue et infini pour venir t’enterrer que j’ai pleuré en silence, que j’ai compris le sens de ce voyage, venir te dire Adieu sans que tu le saches, sans que tu répondes, sans que tu le sentes. Je t’ai perdu papa dans cette ville où j’ai grandi avec toi, je suis alors arrivée abattue, abasourdie, ne sachant te retrouver sur le seuil de la porte pour t’enlacer et t’embrasser. D’autres personnes m’ont ouvert la porte, et personne n’a su m’exempter de ma souffrance, mes sanglots, de l’idée de ta mort, car tout le monde te pleurait. Nous étions tous réunis dans une nuit sans fin, rongés par le sentiment d’un lendemain sans toi.  

Ton départ a effacé ta présence, mais n’effacera jamais le père merveilleux, intelligent, solide, respectueux, magnanime, généreux… au revoir papa, mon cher ami, mon allié.

Hommage à mon cher papa décédé le 19 janvier 2023                                                                            

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