Dans la péninsule coréenne, le pire est-il à craindre ?

Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

Quand on apprend que le Conseil de sécurité des Nations-Unies s’est réuni, en urgence, ce mardi, à la demande du Japon pour une séance de travail consacrée à la situation dans la péninsule coréenne, que les ministres des Affaires étrangères des pays du G7 ont estimé que « le comportement irresponsable » de la Corée du Nord exige que la communauté internationale donne « une réponse unifiée » et que le Conseil de Sécurité prenne des « mesures importantes » et, enfin, que le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a haussé le ton en condamnant fermement, ce lundi 20 février, le lancement, par la Corée du Nord, d’un nouveau missile balistique de portée intercontinentale, on se dit que, dans la péninsule coréenne, rien ne va plus.

Ainsi, après que Séoul et Tokyo aient annoncé, ce lundi, que la Corée du Nord a lancé deux missiles balistiques à courte portée (SRBM) et ce, quarante-huit heures à peine après le lancement d’un puissant missile balistique intercontinental (ICBM), Pyongyang a, immédiatement, confirmé cette annonce en publiant une déclaration indiquant que le régime a, en effet, effectué, « à deux reprises », des tirs  « à l’aide de lance-roquettes multiples de 600 mm » dans la mer de l’Est ; en référence à cette étendue d’eau que d’autres appellent « Mer du Japon ».

Mais pourquoi donc une telle levée de boucliers alors que Pyongyang n’a pas cessé, ces dernières années, de « tester » ses missiles, voire même de les « améliorer » au fil du temps et qu’elle ne s’en cache pas ?

Si l’on en croit Ankit Panda, expert en sécurité, basé aux Etats-Unis, la particularité du tir qui a été effectué, ce samedi, par la Corée du Nord, est qu’il ne s’agit pas d’un « essai » comme les précédents mais bel et bien d’un « exercice » dès lors qu’il aurait « été ordonné le jour-même » et qu’il va falloir s’attendre à une multiplication de ce genre de manœuvres comme ce fut le cas pour les tirs de missiles effectués l’année dernière.

Or, ce n’est point-là, l’avis du professeur Park Won-gon, de l’Université Ewha à Séoul, qui y voit une différence du moment que les exercices qui avaient été effectués, par Pyongyang, l’année dernière, « faisaient partie de (son) plan militaire quinquennal » alors que, cette fois-ci, ils s’adressent, en particulier, aux « Etats-Unis et à la Corée du Sud ».

En outre, leur timing n’est pas anodin quand on apprend, de la bouche de responsables sud-coréens, que la Corée du Nord serait sur le point d’être confrontée à de graves pénuries de produits alimentaires après un isolement qui s’est étalé dans le temps du fait de la pandémie et que l’on sait, par ailleurs, que Pyongyang a toujours adopté « une approche intransigeante » qui la pousse à « créer des crises externes » pour pouvoir venir à bout de ses « difficultés internes ».

Le professeur Park Won-gon ne voyant là rien de nouveau du moment que le fait d’« unir la population » en brandissant le spectre de la menace américano-sud-coréenne a toujours été « une attitude nord-coréenne classique », la nouveauté résiderait, cette fois-ci, dans le fait que ces tirs interviennent à un moment où les relations entre Pyongyang et Séoul ont atteint leur plus bas niveau après que le leader nord-coréen Kim Jong-un ait appelé à une croissance « exponentielle » de la production d’armement, notamment en ce qui concerne les armes nucléaires tactiques et que la Corée du Sud ait durci sa position en qualifiant,  pour la première fois, la semaine dernière, son voisin du nord d’« ennemi » dans un document de défense.

C’est à ce titre que Kim Yo-jong, la sœur du leader nord-coréen, très influente au sommet du régime, a déclaré, ouvertement, que Pyongyang va continuer à prendre des « contre-mesures » correspondant à toute menace perçue et que « la fréquence d’utilisation du Pacifique comme champ de tir dépend(ra) du type d’action des forces américaines », c’est-à-dire de leurs manœuvres conjointes avec la Corée du Sud qui devraient avoir lieu dans les prochains jours et qui ne constituent rien d’autre, aux yeux du régime nord-coréen, que des préparatifs à un conflit armé et la cause principale de la détérioration de la situation sécuritaire dans la région.  

Et si, enfin, d’un point de vue technique, les deux pays sont supposés être encore en guerre puisque la guerre de Corée qui les avait opposés de 1950 à 1953 s’était terminée par un armistice et non pas par la signature d’un traité de paix, quelle forme vont revêtir leurs relations bilatérales après que la Corée du Nord se soit officiellement appliqué le statut « irréversible » d’Etat nucléaire ? Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

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