La bonne gouvernance au Maroc

Point de vue

Par Ouzren Lamia

2ème et dernière partie

La nouvelle Constitution a abordé la question de la séparation des pouvoirs comme base du système de gouvernance en clarifiant le statut et les prérogatives des différentes institutions constitutionnelles puisqu’elle inclut, en plus de la confirmation constitutionnelle d’une monarchie citoyenne, des dispositions renvoyant à deux principaux aspects :

  1. Emergence démocratique du pouvoir exécutif du Gouvernement dont le Roi  nomme le Chef, émanent du parti politique arrivé en tête lors des élections de la Chambre des Représentants, et ses membres sur proposition de celui-ci. Ce gouvernement est investi après avoir obtenu la confiance de la Chambre des Représentants exprimé par le vote par majorité absolue en faveur du programme gouvernemental. Dans ce contexte, le Chef du Gouvernement exerce un pouvoir réglementaire total et complet et nomme aux emplois civils dans les administrations publiques et aux hautes fonctions des établissements et entreprises publics, en plus de sa présidence du Conseil de gouvernement, qui délibère des questions précises, notamment la nomination de certains haut fonctionnaires de l’administration publique, dans des conditions visant à atteindre l’égalité des chances, le mérite, la compétence et la transparence.
  • Un pouvoir parlementaire à larges prérogatives dont la mesure où la nouvelle  Constitution consacre le bicamérisme du système parlementaire qui avantage la Chambre des représentants, exerçant un pouvoir de contrôle sur le gouvernement, en plus d’une seconde Chambre avec un nombre réduit à caractère territoriale et à représentation syndicale et professionnelle.

Sur cette base, le Parlement exerce le pouvoir législatif, vote les lois, contrôle l’action du gouvernement et évalue les politiques publiques.

CONSECRATION CONSTITUTIONNELLE DE L’ETAT DE DROIT :

Afin de consacrer l’Etat de droit, la nouvelle Constitution confirme le choix de construire un Etat démocratique régi par la loi et le droit et fondé sur la participation, le pluralisme, la bonne gouvernance, la solidarité, la sécurité, la liberté, l’égalité des chances et les droits et devoirs citoyens[1].

Dans ce contexte, l’accent a été mis sur le principe d’égalité devant la loi et l’engagement de toutes les personnes et les autorités publiques à s’y conformer avec l’engagement de ces dernières à fournir les conditions adéquates de la mise œuvre de la liberté et l’égalité des citoyens, leur participation à la vie publique et considérer la constitutionnalisation et la diffusion des règles juridiques comme principes contraignants[2].

LA JUSTICE EST UN POUVOIR INDEPENDANT AU SERVICE DE LA PROTECTION DES DROITS ET DU RESPECT DES LOIS :

Pour confirmer la séparation des pouvoirs, le Conseil Supérieur de la Magistrature a été remplacé par le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire en qualité d’institution constitutionnelle, jouissant de l’autonomie administrative et financière, présidée par le Roi et dont la fonction de Président-délégué est confiée au Premier président de la Cour de Cassation au lieu du Ministre de la Justice. La composition de ce Conseil a été renforcée par l’augmentation du nombre de magistrat élus et par l’intégration de personnalités et d’institutions œuvrant en faveur de la protection des droits de l’Homme  et l’indépendance de la justice[3].

RESPONSABILISATION ET REDDITION DE COMPTE :

En ce qui concerne la responsabilisation et la reddition de comptes en tant que pierre angulaire de la bonne gouvernance, il convient de noter que la nouvelle Constitution a consacré la règle de corrélation entre l’exercice des responsabilités et fonctions publiques à la reddition de comptes[4].

Dans cette perspective, le texte de la Constitution renforce le contrôle parlementaireà travers :

Motion de censure : La Chambre des Représentants peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement par le vote d’une motion de censure. Celle-ci n’est recevable que si elle est signée par le cinquième au moins des membres composant la Chambre (au lieu d’un quart dans la Constitution de 1996). Le vote de censure (par la majorité absolue) entraîne la démission collective du gouvernement.

Commissions parlementaires d’enquête : la nouvelle Constitution permet, à la demande du tiers des membres des deux chambres du parlement (au lieu de la majorité dans le texte de 1996), la constitution de commissions d’enquête formées pour recueillir les éléments d’information sur des faits déterminés ou sur la gestion des services, entreprises et établissements publics, et soumettre leurs conclusions à la Chambre concernée. Une séance publique  est réservée par la Chambre concernée à  la discussion des rapports des commissions d’enquête à l’issue des recommandations émises par l’ICPC dans son rapport annuel de 2009.

  • Bilan d’étape de l’action gouvernementale : à son initiative ou à la demande du tiers des membres de la Chambre des Représentants ou de la majorité des membres de la Chambre des Conseillers, le Chef du Gouvernement présente devant le Parlement un bilan d’étape de l’action de son gouvernement. Une séance annuelle est réservée par le Parlement à sa discussion et à son évaluation.
  • Audition des responsables publiques : les commissions parlementaires d’enquête dans chacune des deux Chambres peuvent demander à auditionner les responsables des administrations et des établissements et entreprises publics, en présence des ministres de tutelle.
  • Opposition parlementaire : la Constitution garantit à l’opposition parlementaire un statut lui conférant des droits à même de lui permettre de s’acquitter convenablement de ses missions afférentes au travail parlementaire et à la vie politique dans la mesure où elle est une composante essentielle dans les deux Chambres exerçant un pouvoir législatif et de contrôle.

D’autre part, la nouvelle Constitution renforce la base constitutionnelle de la Cour des Comptes qui la définit comme l’institution supérieure de contrôle des finances publiques du Royaume. Son indépendance est garantie par la Constitution. La Cour des Comptes a pour mission la protection des principes et valeurs de bonne gouvernance, de transparence et de reddition des comptes de l’Etat et des organismes publics.

DEMOCRATIE, CITOYENNETE ET PARTICIPATION :

Les élections libres, sincères et transparentes constituent le fondement de la légitimité de la représentation démocratique. Les pouvoirs publics sont ainsi tenus d’observer la stricte neutralité vis-à-vis des candidats et la non-discrimination entre eux. La loi définit les règles garantissant l’accès équitable aux médias publics et le plein exercice des libertés et droits fondamentaux liés aux campagnes électorales et aux opérations de vote. Les autorités en charge de l’organisation des élections veillent à l’application de ces règles. La loi définit les conditions et les modalités de l’observation indépendante et neutre des élections de même que les sanctions résultant de la violation des dispositions relatives à l’intégrité et la transparence des élections[5].

Pour confirmer le rôle central des partis politiques dans l’exercice de la démocratie, le texte de la Constitution identifie leurs  responsabilités, les fondements de leur  constitution ainsi que l’évolution de leur  cadre législatif en loi organique déterminant les bases de leurs activités, les critères d’octroi du soutien financier de l’Etat, ainsi que les modalités de contrôle de leur financement. Les partis politiques ne peuvent ainsi être suspendus ou dissous par les pouvoirs publics qu’en vertu  d’une décision de justice[6].

Les pouvoirs publics œuvrent à la création  d’instances de concertation, en vue d’associer les  différents  acteurs  sociaux  à  l’élaboration,  la  mise  en  œuvre et  l’évaluation  des  politiques  publiques, tout en permettant aux  citoyens  de  présenter  des  pétitions  aux  pouvoirs publics dans le cadre d’une loi organique déterminant les conditions et les modalités d’exercice de ce droit[7].

MORALISATION ET BONNE GOUVERNANCE :

Pour la première fois, un chapitre entier a été consacré à la bonne gouvernance[8], où plusieurs principes fondamentaux ont été ainsi constitutionnalisés à savoir :

Les services publics sont organisés sur la base de l’égal accès des citoyennes et citoyens, de la couverture équitable du territoire national et de la continuité des prestations.

Ils sont soumis aux normes de qualité, de transparence, de reddition des comptes et de responsabilité, et sont régis par les principes et valeurs démocratiques consacrés par la Constitution.

Leurs agents exercent leurs fonctions selon les principes de respect de la loi, de neutralité, de transparence, de probité, et d’intérêt général. Ils assurent le suivi des observations, propositions et doléances des citoyens.

Ils rendent compte de la gestion des deniers publics conformément à  la  législation  en  vigueur  et  sont  soumis,  à  cet  égard,  aux  obligations  de  contrôle  et d’évaluation. 

Une charte des services publics fixe l’ensemble des règles de bonne gouvernance relatives au fonctionnement  des  administrations  publiques,  des  régions  et  des  autres  collectivités territoriales et des organismes publics.

Toute  personne,  élue  ou  désignée, exerçant  une  charge  publique  doit  établir,  conformément aux  modalités  fixées  par la  loi,  une  déclaration  écrite  des  biens et  actifs  détenus  par  elle, directement ou indirectement, dès la prise de fonctions, en cours d’activité et à la cessation de celle-ci. 

Les  instances  en  charge  de  la  bonne gouvernance  sont  indépendantes.  Elles  bénéficient  de l’appui des organes de l’Etat. La loi pourra, si nécessaire, créer d’autres instances de régulation et de bonne gouvernance.

À la lumière de ces principes, la nouvelle Constitution a tenu à constitutionnaliser les institutions et instances de protection des droits et libertés, de la bonne gouvernance, du développement humain et durable et de la démocratie participative, notamment, le Conseil National des Droits de l’Homme, le Médiateur, le Conseil de la Communauté Marocaine à l’Etranger,  l’autorité  chargée  de  la  parité  et  de  la  lutte  contre  toutes  formes  de  discrimination, Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle, le Conseil de la Concurrence et l’Instance nationale de Probité et de Lutte contre la Corruption.

GOUVERNANCE TERRITORIALE :

Pour la nouvelle Constitution, l’organisation territoriale du Royaume est décentralisée basée sur la régionalisation avancée[9].

Dans cette perspective et afin de promouvoir la gouvernance territoriale, la Constitution considère les collectivités territoriales comme des  personnes  morales  de  droit  public   qui  gèrent démocratiquement  leurs  affaires  à travers des Conseils  élus  au suffrage universel direct. L’organisation  territoriale  du  Royaume  repose  sur  les  principes  de  libre  administration,  de coopération  et  de solidarité.  Elle  assure  la  participation  des  populations  concernées  à  la gestion  de  leurs  affaires  et  favorise  leur  contribution  au  développement  humain  intégré  et durable.

Il convient de souligner que les régions et les autres collectivités territoriales participent à la mise en œuvre de la politique générale de l’Etat  et à l’élaboration des politiques territoriales à travers leurs représentants à la Chambre des Conseillers.

Conclusion

Les exigences du nouveau cadre économique appellent à  la mise sur pied de stratégies et d’actions, d’adaptation, de réhabilitation et de changement organisationnel et culturel. Toutes ces actions visent à affronter une concurrence aussi bien nationale qu’internationale plus dure, à travers un système culturel tout en se basant un ensemble de valeurs.

La réussite du changement exige l’exploitation de toutes les compétences, les capacités d’initiative ainsi que d’améliorer les valeurs afin d’atteindre des résultats efficaces et efficients. Certes, l’administration marocaine a connu elle-même ces changements organisationnels culturels et avec l’apparition du concept de la bonne gouvernance, l’administration a opté pour la performance de la gestion à travers la mise en place d’un système de gouvernance qui vise la transparence et la  performance surtout avec l’apparition du système de régionalisation.

Donc, La régionalisation au Maroc, constitue un bouleversement par rapport à toutes les conceptions antérieures de la décentralisation. Il s’agit d’une nouvelle architecture qui rompt complètement avec le passé, aussi bien dans sa conception, dans ses buts, ses attentes, que par ses objectifs.  C’est  une étape d’un processus ininterrompu de démocratisation de la vie politique et sociale.

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