Une vie pleine à rebours repasse

Khalid Naciri

Mohamed Khalil

Le Parti du progrès et du socialisme rend hommage, lundi prochain à la bibliothèque nationale de Rabat, à son grand militant et dirigeant Feu Khalid Naciri, par la commémoration du 40 ème jour de son décès. L’occasion de rappeler, brièvement, un riche et intense parcours du regretté défunt.

I – De l’UNEM à Paris au journal Albayane

J’ai connu Khalid Naciri au début de l’été de 1974, lors d’un fameux et historique « Conseil fédéral » de l’Union nationale des étudiants du Maroc (UNEM) à Paris…interdite à l’époque, à l’instar des partis des deux partis de l’opposition , l’Union nationale des forces populaires (UNFP) et le Parti de la libération et du socialisme( PLS), dont j’étais un jeune militant.

Khalid Naciri, qui était déjà avocat, au Maroc, et maitre assistant à l’Université de Casablanca, poursuivait des études de DECS en droit. Il avait fait, lors de ce Conseil fédéral de l’UNEM, une intervention magistrale, marquée par ce qui le caractérisait déjà : la sérénité, le choix des mots et la pédagogie, l’analyse profonde et cette force tranquille qu’il dégageait toujours positivement.

Il répliquait aux « gauchistes » de l’époque qui polémiquaient sur les positions politiques de la gauche marocaine accusée de « conformisme » et de « réformisme », par opposition à « révolutionnaire », qualificatif que les ténors de l’extrémisme de gauche en voulaient pour seuls détenteurs.

 L’auditoire était composé d’éminents militants de l’UNEM à l’avenir politique certain. En vrac j’en cite quelques uns, qui avaient marqué cette époque : Mourad Akalay, Mustapha Alaoui, Alae Eddine Souirji, Driss Ben Ali, Ahmed Belhamd, Taoufik Hajoui, et d’autres pour le PLS. Côté UNFP, quatre futurs ministres du gouvernement El Youssoufi, qui verra le jour 23 années après : Khalid Alioua, Larbi Ajjoul, Mohamed Mbarki et Hajji, à côté de feu Farid Naïmi, autodictate et enseignant à la Sorbonne, et Bachir fils de feu Mehdi Ben Barka ; côté OADP : Si Mohamed Mrini, Aïssa Ouerdighi, Mohamed Talbi et un certain Houdaika… étaient les leaders incontestés qui venaient de se démarquer du mouvement Ilal Amam, conduit par Haj Nasser et Robert Benaïm, et quitter le front des étudiants progressistes.

Khalid Naciri avait rappelé que lui en personne, ainsi que des camarades avocats du PLS et de l’UNFP faisaient partie du Collectif marocain et international constitué pour la défense des libertés politiques au Maroc.

Mon ami Hicham Naciri, fils du défunt, m’avait rappelé que Si Khalid lui avait raconté, dernièrement lors d’un retour de Marrakech vers Casablanca, avoir fait ce chemin, dans l’autre sens et dans des conditions très différentes, avec feu Ali Yata, en juillet 1971, lors du procès de Marrakech où furent traduits des militants de l’UNFP, en plein Etat d’exception… Khalid Naciri, jeune avocat, faisait partie du collectif de défense mené par des dinosaures du droit feus Maîtres Abderrahim et Maâti Bouâbid et d’autres pour défendre Ahmed Benjelloun, Bounaïlate et leurs camarades.

Le fameux CF de l’UNEM sera marqué par l’explosion du       « Front des étudiants progressistes » et la démarcation de la tendance 23 Mars (OADP) du mouvement Ila Al Amam, notamment suite à des divergences profondes sur la question nationale du Sahara et sur l’appréciation et l’attitude vis-à-vis des partis politiques marocains de l’opposition, qui étaient « jugés » par les amis de Serfati comme « réformistes », des termes supposés être injurieux par les anciens gauchistes qui se présentaient comme les seuls révolutionnaires sur terre.

Khalid Naciri avait rappelé les militants de l’extrême gauche à la sagesse, face à leurs diatribes contre le PLS et l’UNFP, attitude « qui fait le jeu de la réaction marocaine »… Il avait rappelé, à ceux qui l’ignoraient ou feignaient de ne pas le savoir, que lui, personnellement, avec d’autres camarades avocats du PLS et de l’UNFP, faisaient partie du collectif de défense d’Abraham Serfati et son « mouvement marxiste-léniniste » et la mouvance du « front des étudiants progressistes »… lors des procès de Casablanca.

A l’imprimerie d’Al Bayane… puis à Ledru Rollin

Après cette première rencontre à Paris, c’est, quelques semaines après, durant les vacances d’été, que j’avais eu l’occasion de revoir, grâce à mon ami Saâd Benzakour, qui m’avait fait découvrir l’imprimerie du journal, où Si Khalid passait « ses vacances », avec Si Mohamed Bennis, tous deux chargés de veiller à la confection et la rédaction de l’édition française d’Al Bayane, dont l’impression se faisait très tard la nuit et restait tributaire de la bonne « humeur » des censeurs qui accordaient l’imprimatur…

Je reverrai Si Khalid au siège du journal Al Bayane, sis rue Ledru Rollin à Casablanca non loin de la rue Farhat Hachad, le syndicaliste tunisien assassiné en décembre 1952… Avec Saâd Benzakour nous avions tenu une petite réunion afin de faire le point sur l’acheminement de la littérature et les documents du parti, à la fête de l’Humanité, organe central du Parti communiste français… une sorte de coordination et de partage des lourdes « charges » à transporter jusqu’à Paris.

Il aura fallu attendre le mois de janvier 1975, pour retrouver Si Khalid dans la minuscule salle de rédaction à l’imprimerie du journal, avec  une poignée de camarades chargés de la traduction du projet de rapport fleuve du SG Ali Yata qui devrait être présenté au premier Congrès national du Parti du progrès et du socialisme, nouvellement autorisé à avoir une activité légale.

Si Khalid chapeautait un groupe d’intellectuels militants, dont Feus Me Mohamed Anik, Mimoun Habriche, Abdelkader Jamali et quelques autres, chargés par le SG du parti de présenter la version en langue française à soumettre à la presse et aux invités étrangers parmi les nombreux partis communistes et ouvriers à travers le monde.

Ce premier congrès du PPS sera reporté de quelques mois.

Demain : Elu au Comité central du premier congrès national du PPS

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