Agir au plus vite

Mustapha Labraimi

Il en est ainsi de l’enseignement supérieur au royaume ; produisant avec le fil du temps plus de « pire que de meilleur », il est l’objet d’une « réformite aigue » sans pour autant qu’il arrive à devenir un levier du développement auquel aspire le peuple marocain.

Si la volonté de trouver des solutions à la dégradation de l’Université marocaine dans son ensemble ne fait pas de doute, il reste que cette volonté s’arrête au niveau du constat et du discours qui lui est corollaire par l’affirmation de certains principes généraux sur l’importance de l’enseignement supérieur et la déclinaison de quelques orientations pour concrétiser sa transformation qualitative nécessaire.

Dans ce cadre ; le constat, en l’occurrence effectué par le Chef du gouvernement dans son discours devant la Chambre des Représentants en début de semaine, sert à confirmer officiellement la gravité de la situation que connaît l’enseignement supérieur.

49% de déperdition, presque un étudiant sur deux quitte l’Université sans aucun diplôme. Quel gâchis !

Taux de chômage important chez les lauréats des établissements à accès ouvert (18,7%) et autant chez les diplômés des établissements pratiquant le numerus clausus (8,5%). La « bohême » sans l’insouciance pour tous !

Faible taux d’encadrement dans les établissements sans accès régulé : 120 étudiants pour un enseignant. Cela explique-t-il cela ?

S’ajoute dans ce constat officiel, l’inefficience des facultés polydisciplinaires, le proche départ à la retraite de 2200 enseignants chercheurs affirmés, la faiblesse de la recherche scientifique en conséquence des moyens humains et financiers qui lui sont alloués ; et pour conclure, l’obturation du système de l’enseignement supérieur et son incapacité à répondre aux besoins du développement tant au niveau régional et qu’au nveau national.

Cette proclamation de la réalité, aussi grave et amère qu’elle soit, ne peut permettre à quiconque de qualifier le Chef du gouvernement d’être un « ennemi du royaume » comme le voudrait celle qui devrait s’occuper plus sérieusement de la souveraineté énergétique du royaume et défendre le pouvoir d’achat de la population, particulièrement en ce qui concerne les prix à la pompe des hydrocarbures. Avec la mentalité de la dame, ni la transition énergétique et encore moins la durabilité du développement, ni la réforme envisagée de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique ne peuvent réussir. Elle nie la réalité qu’il faudrait changer. Elle plombe le dialogue et use de son autorité pour faire taire toute critique, croyant qu’ainsi son objet disparaitra.

Il apparaît donc du constat effectué par le Chef du gouvernement que le royaume est loin de « l’économie du savoir ». La structure de l’enseignement supérieur, son rendement et son impact sur les autres activités socioéconomiques du royaume restent très limités. Le capital humain est corrompu par le « laissez aller laissez faire » du préscolaire au supérieur auquel s’ajoute le renoncement au développement de « l’école publique » au sens général du terme. Il est à remarquer que la référence au « nouveau modèle de développement » refait surface dans le discours du Chef du gouvernement à ce propos ! Mais l’acte ne suit pas la parole…

Le système de l’éducation et de la formation est un ensemble dont chaque segment influence l’autre.

L’apprentissage linguistique, l’esprit critique, la motivation et l’ouverture de l’esprit n’attendent pas l’âge adulte pour s’acquérir. Il faudrait s’en occuper dès la crèche, en famille et à travers les médias. Le rêve ne peut se faire quand on souffre de la faim, d’une mauvaise santé et de manière générale des inégalités de tout genre.

Le bachotage qui caractérise encore l’enseignement secondaire doit être corrigé par une approche pédagogique innovante interactive et présentielle. L’épanouissement de la personnalité de l’élève doit primer sur sa capacité de mémorisation pour avoir une note. C’est ce qui permettra le recrutement au supérieur. Des étudiants qui en veulent, intéressés par la connaissance et par la participation à la découverte du savoir. Des étudiants qui doivent subvenir convenablement à leurs besoins (du logement à la culture et aux loisirs…) et non restés en marge de la société et de ses préoccupations.

Cela ne peut se faire sans encadrement par des maîtres et des professeurs préoccupés beaucoup plus par leur métier que par leur bulletin de salaire ou le déroulement de leurs carrières ; encouragés à propager la connaissance et surtout à créer des motivations par la recherche scientifique et le partage.

Le renouvellement du corps enseignant ne peut venir seulement d’un renfort en nombre conjoncturel ; il doit émaner d’équipes de recherche, de laboratoires où le doctorant apprend par la pratique et communique pour transmettre. Reste « l’alternance entre l’université et l’environnement socioéconomique » comme si le statut du « stagiaire venant de l’enseignement supérieur » est acquis au royaume. Un « stage » reste un calvaire parfois insurmontable… L’environnement socioéconomique, du public au privé, ne peut rester dans cette position négative de grogneur contre l’enseignement supérieur et la recherche scientifique au royaume. Il doit participer à la solution pour pouvoir en tirer bénéfice et ne pas seulement se contenter de tirer « les marrons du feu » pour les meilleurs et tirer à boulets rouges sur les autres. C’est vrai qu’il doit être lui-même conforté dans la recherche de la résilience, la compétitivité et la performance… C’est au gouvernement dans son ensemble de s’y atteler. Dans l’attente, l’optimisme ne peut devenir béatitude, serait-ce le temps d’un discours.

La digitalisation est partout à l’ordre du jour ; sauf que l’on ne peut se baser sur des plateformes numériques pour rehausser le niveau et la qualité de l’enseignement. Pour preuve, l’internet est disponible pour tous sans que cela puisse aboutir à un rehaussement du niveau scientifique et culturel de la population…Le présentiel est irremplaçable pour la transmission de la connaissance. C’est de l’amour partagé et on ne peut faire cela avec une machine aussi performante soit-elle.

Au fait, il reste beaucoup à dire alors qu’il faudrait agir et au plus vite.

La réforme de l’enseignement supérieur et le renforcement de la recherche scientifique au royaume mérite plus qu’un discours dans la Chambre des Représentants. Il nécessite des actions au quotidien dans le cadre de la consolidation du processus démocratique dans le pays, par une pratique politique saine et sereine où les libertés sont garanties et où l’effort national tend vers l’affirmation de la souveraineté sur l’ensemble du territoire national et ses ressources, le partage équitable de l’effort et des richesses et l’émancipation du capital humain. 

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