«Il faut se battre pour garder le public»

Un petit bijou. Les fidèles du FICAM ont eu la chance de voir en avant-première le film «Ma vie de Courgette» du réalisateur Claude Barras. Ce long métrage, nominé aux Oscars 2017, a été projeté vendredi dernier lors de l’ouverture de la 16 édition du Festival, dont l’histoire de l’enfant Courgette avait projeté les admirateurs du cinéma d’animation dans l’univers des orphelins. En effet, le réalisateur lui a fallu plus de 6 ans pour préparer ce travail cinématographique qui regorge d’émotion, de poésie, d’humour et surtout, qui est porteur de leçons liées au vivre-ensemble, à l’entraide et à l’amour.

Al Bayane : Le film est inspiré du roman «Autobiographie d’une Courgette» de Gilles Paris. Comment l’idée vous est-elle venue?

Claude Barras : Il faut tout d’abord avouer que le roman est bon et beau. Il raconte à peu près la même histoire, mais d’une manière différente. Il est écrit à la première personne. En effet, c’est Courgette qui raconte l’histoire, des histoires pour enfants surtout, tout en abordant la dureté de la vie. Cela dit, le livre est plutôt destiné aux adultes ! De notre côté, nous avons essayé de raconter la même histoire, mais en changeant les détails et quelques événements pour alléger la dureté du message mais tout en restant gardant le caractère saillant de la dureté de la vie des orphelins qui constituent le noyau de l’œuvre. On a voulu que l’histoire se termine avec une lueur d’espoir pour les enfants. Dans le livre, il y a plusieurs épisodes, une vingtaine d’enfants. Donc il a aussi fallu au niveau du film, choisir un bon nombre d’enfants et réécrire tout cela pour que l’adaptation ait un sens. D’ailleurs, cela s’explique par les 6 années de travail qu’a pris la réalisation du film ! Pour être plus clair, nous avons a compté sur la scénariste Céline Sciamma qui a terminé le scénario ; j’en profite pour en saluer le travail remarquable. Après quoi, le travail est devenu un peu plus souple ! Il a fallu attendre 3 ans pour réaliser ce film. En gros, quand on a un bon scénario, ce ne peut que faciliter la tâche de tout le staff.

Pourquoi ce livre?

C’est un collègue qui en avait fait un premier film qui parlait aussi de l’enfance et qui l’a appelé «Bonkiz». Lui travaille beaucoup dans le documentaire, mais réalisait tout de même des courts métrages. Donc, après avoir repéré le livre, il me l’avait fait découvrir. Alors avions décidé à lui insuffler l’âme du cinéma en lui donnant une nouvelle vie dans un long métrage.

Dans ce film, vous avez choisi 12 enfants qui ne sont pas professionnels pour assurer la voix off. Pourquoi un tel choix?

Le film est assez réaliste. Donc je voulais lui donner le ton qu’il mérite et une voix qui puisse épouser son univers graphique. Pour ce faire, il fallait trouver des éléments réalistes dans la manière de mettre en scène, d’où le choix de voix très proches du contexte pour sentir les respirations des enfants dans leurs voix et faire régner chez les gens un sentiment d’empathie.
Avec pour revenir à la sélection des enfants, il y a eu une sélection parmi 200 enfants dont nous avons pris les 12 qui avaient su jouer avec leurs émotions. Et c’étaient, en effet, des enfants qui n’avaient jamais exercé dans un cadre professionnel, que ce soit dans le théâtre ou le cinéma. Ensuite, nous avons beaucoup répété (30 heures d’enregistrement). Nous leur avons aussi -et naturellement- fait découvrir l’histoire du film.

Certes le film est plein d’émotion et de sensibilité avec un zoom sur l’univers enfants orphelins. Comment avez-vous pu calquer cet univers émotionnel sur le plan esthétique et technique à travers le cinéma?

Quand j’étais enfant, j’ai vu beaucoup de films qui traitent des orphelins, des aléas et des tracas de leur vie. C’était un peu la mode dans les années 80. J’ai vu une adaptation de «Haidi» en série, en film. J’avais vu un film qui s’appelait «Rimi sans famille» qui m’avait beaucoup touché. Et du coup j’ai lu ce livre. Je me suis dit que c’est quelque chose qu’on ne voit plus, qu’on n’offre plus aux enfants dans des films. C’était vraiment ce que j’avais envie de faire. Et puis, réussir à transmettre des émotions dans un film est tout un art, voire une réflexion. Il y a eu entre la scénariste, la personne qui fait la musique, les animateurs et les gens qui font la lumière, une symbiose… Chacun amène une touche dans l’émotion. C’est un travail collectif qui fait avancer et poétiser les choses.

Comment se porte le film d’animation en France ? Quels sont les défis auxquels fait face cette filière en Europe?

Je pense qu’en Europe et spécialement en France, on a une filière entre l’Industrie et l’Artisanat. Il y a une part de la production française qui est très forte et qui est dédiée aux séries, aux films grand public un peu à l’américaine. À côté de cela, on a de la chance aussi de pouvoir faire des films avec de petits budgets. Je crois que la tendance de faire des films pour adultes est une très grande chance. Mais je pense par contre qu’il faut se battre pour garder le public parce que sans public, la production sera une tâche difficile.

En revanche, puisqu’il y a beaucoup de films d’animation, notamment américains ; à savoir que l’an dernier en France, il y a eu 52 films d’animation, je pense qu’il faut arriver à trouver cette place afin de fidéliser le public existant déjà, et en attirer un autre.

Quels sont les films d’animation les plus demandés ou vendus chez vous?

C’est forcément le film américain qui domine le marché. «Zootopie» par exemple, a fait un milliard de box-office l’an dernier. Après, il est à dire que nous avons la chance aux Etats Unis et en France d’avoir des réseaux qui s’appellent « Arès » avec un public plus averti grâce à qui on atteint en France plus de 700.000 entrées. Je pense qu’il faut séparer les films d’auteurs des films grand public. Ainsi, il faut trouver peut-être de nouvelles idées pour toucher davantage de cinéphile. Je crois que la tendance réside dans la séparation de séparer les films d’auteurs des films grand public!

Mohamed Nait Youssef

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