80ème anniversaire de sa disparition (1937-2017) Gramsci, le retour!

Le 27 avril 1937, il y a donc 80 ans,  disparaissait l’un des plus brillants cerveaux de la pensée politique du 20ème siècle, Antonio Gramsci (1891-1937). Le régime fasciste qui s’était emparé du pouvoir en Italie, ne s’y était pas d’ailleurs trompé : la consigne pour ses bourreaux lors de son arrestation était claire : il faut empêcher ce cerveau de fonctionner pour au moins 20 ans. Erreur grossière classique des classes dominantes ; incarcéré le 8 novembre 1926, dans des conditions atroce, le cerveau ne fut que plus motivé. C’est en effet en prison que Gramsci rédigea ses textes les plus célèbres réunis sous le titre Les cahiers de prison et où il forgea des concepts et des outils théoriques, toujours pertinents, modernes et qui n’ont rien perdu de leur actualité.

Militant engagé dès son jeune âge, originaire de la Sardaigne il participa activement aux premières actions menées par la jeune classe ouvrière notamment de l’industrie automobile dans la ville de Turin. Diplômé de philosophie, il mit son savoir au service de la cause du prolétariat. Il rejoint les rangs du parti socialistes et s’engage à fond avec les luttes des ouvriers notamment le soulèvement de l’été 1917. Dès cette époque, il réfléchit à la question de l’organisation et penche clairement pour la formule des «conseils ouvriers». Le succès de la révolution bolchévique en Russie en 1917 va accélérer le processus de clarification au sein du mouvement ouvrier italien. Gramsci va faire partie du noyau fondateur du Parti communiste italien au début des années 1920 et dont il deviendra secrétaire général en 1925. Pas pour longtemps. Avec l’arrivée des fascistes de Mussolini, il deviendra l’ennemi à abattre. Il fut arrêté et emprisonné.

Malgré les conditions pénibles de sa détention, et grâce à la complicité de sa femme, il parvient à faire sortir des textes considérés aujourd’hui parmi l’héritage théorique le plus fécond du marxisme et de la pensée politique moderne. Sa réflexion fut animée par une question centrale : pourquoi la révolution socialiste, dont les conditions étaient réunies en occident, a finalement eu lieu dans l’un des pays, la Russie les plus arriérés du monde ? C’est donc une réflexion autour de l’échec ce qui amène Gramsci à revoir son analyse de la société italienne avec la prise en compte de la réalité du sud : plus « arriéré », plus paysan, plus religieux. Autant de facteurs qui vont soutenir un formidable outillage théorique que va élaborer Gramsci avec des concepts clés. Il précise d’abord, en usant d’un vocabulaire d’Etat major, que contrairement à la Russie où il s’agissait de mener une guerre de mouvement ( la faiblesse politique du régime était accentuée par son inconsistance idéologique), en Italie et en Europe occidentale, là où l’Etat est doublé d’un appareil idéologique puissant (une sorte de carcasse) il s’agit de mener une guerre de positions. Cette stratégie de longue haleine suppose d’autres démarches notamment la notion du bloc historique, le rôle des intellectuels, du parti comme intellectuel collectif et surtout du concept central d’hégémonie. Ce que Bourdieu appelle la domination ou encore la violence symbolique ; celle qui fait que les dominés reproduisent les  représentations et les mythes produits par les dominants.

Il est utile de souligner à ce propos que l’expérience politique du PPS ne cesse de se confronter à la pensée de Gramsci. Notre parti s’est trouvé, quasi spontanément, lors de la période 2011-2016 dans une posture gramscienne, son alliance  avec le PJD étant une variante intelligente du bloc historique, nécessaire pour assurer la défense des classes populaires et assurer le succès à la transition démocratique. Aujourd’hui avec le scénario qui a présidé au déblocage, c’est une autre réalité politique qui s’impose.  Le retour à Gramsci peut trouver sa légitimité dans le projet d’Attajdour qui vise à donner au projet politique du parti plus d’ancrage et une nouvelle dynamique. Cela passe inévitablement par la réhabilitation de la culture et de la bataille des idées ; une « guerre de positions » qui suppose un long souffle théorique où sont les bienvenus Ibn Khaldoun, Gramsci, Blal, Guessous, et si Abdellah Laroui…

Mohammed Bakrim

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