La criminalité pierre d’achoppement de la politique d’immigration

L’arrestation il y a moins d’une semaine de trois Camerounais impliqués dans un homicide volontaire à Fès continue de susciter  beaucoup d’émoi et de frénésie, non seulement au sein de la population marocaine, mais aussi parmi les Subsahariens établis au Maroc. La triste et douloureuse histoire du meurtre du gardien d’un supermarché de Fès par des Subsahariens en situation irrégulière dont se sont emparés les internautes sur la toile laisse pantois et interroge plusieurs sur le volet sécuritaire de la régularisation des personnes sans papiers. Alors que le Royaume a lancé récemment la 2e opération de régularisation des étrangers en situation irrégulière, certaines associations de migrants appellent les autorités marocaines à prendre des mesures pour assurer la sécurité de la population.

Dans un communiqué paru samedi dernier, la Direction Générale de la Sécurité nationale (DGSN) indiquait que les services de la préfecture de police de Fès avaient mis la main sur trois ressortissants camerounais, en situation irrégulière, impliqués dans une affaire de vol par effraction et un homicide volontaire. En effet, l’enquête diligentée par les services sécuritaires avait permis d’interpeller l’un des présumés coupables en possession d’un sac contenant un couteau, un objet contondant, des téléphones portables et des tablettes électroniques. Les investigations et les constats effectués sur les lieux ont également conduit à la découverte du corps du gardien de nuit du supermarché, ligoté et étranglé avec un morceau de tissu enfoncé dans la bouche, ajoute le communiqué, notant que le gardien est décédé avant son arrivée à l’hôpital. Selon ledit communiqué, les investigations menées ont permis d’interpeller deux des présumés, à la gare routière de Fès sur le point de quitter la ville impériale.

Si le meurtre du Gardien de Fès défraie la chronique depuis quelques jours  puisque c’est un cas extrême, à en croire les déclarations de Ebeha Beyeth Gueck, responsable de l’Association Bank de solidarité, une association qui mène des actions humanitaires en faveur des migrants subsahariens, il ne s’agirait pas d’un cas isolé. En effet, plusieurs Subsahariens en seraient d’ailleurs victimes. Selon les déclarations du responsable associatif au journal Al Bayane, il aurait été lui-même victime d’une agression à l’arme blanche, dans son domicile à Casablanca, début mars. Un groupe de Subsahariens, à bord d’une Kia blanche, se seraient incrustés dans son domicile pour le menacer, la nuit d’un dimanche. A l’origine de cette affaire, un groupe de quatre criminels, confie –t-il à Al Bayane, à bord d’une Kia blanche, qui sème la panique au milieu des Subsahariens voire parmi les Marocains.

Le groupe actif à Mohammédia et Casablanca, se déplace de ville en ville et aurait déjà fait plusieurs victimes au Maroc (vol, agressions, menaces…), à en croire ses propos. Trois mois plus tard, la police n’a pu mettre la main que sur un seul des trois coupables, confie-t-il. Les trois autres sont en fuite. La police aurait du mal à mettre la main sur ces criminels, puisqu’ils seraient munis de faux passeports.

Un défaut d’insertion ?

«Les cas ne sont plus isolés aujourd’hui.  Les autorités marocaines doivent  trouver des solutions », lance le responsable associatif qui pointe plusieurs défis comme les causes de cette recrudescence de l’insécurité et de la criminalité parmi les Subsahariens. Entre autres, le manque d’insertion des migrants. «Il n’ya pas un seul coin de rue où on ne voit des subsahariens en train de faire la manche. Puisqu’ ils sont dans le besoin, certains vont se retrouver contraints de voler, tuer, faire de la prostitution… pour subvenir à leurs besoins », lance-t-il. « C’est bien que le Maroc accepte les gens comme il le fait, mais il faut trouver des solutions aux problèmes de sécurité. Car même les Marocains sont gênés de voir cette population dans cette situation», poursuit-il.

Ce qui complique davantage la situation des services de sécurités, c’est l’utilisation de faux papiers par plusieurs migrants en situation irrégulière, ajoute Ebeha Beyeth Gueck. «Aujourd’hui, certains sont régularisés et pourtant dans leurs pays d’origine, ils ont un passé criminel auquel la police ne fait pas souvent attention en attribuant des titres de séjour. Il faut revoir les différents mécanismes », souligne –t-il. Conséquence, « ces gens au passé douteux s’incrustent au sein de la population subsaharienne et nuisent ainsi à son image et à sa quiétude », déplore-t-il. « Avec des faux papiers, ils vont louer des voitures et seront après introuvables par les agences de location. Ils utilisent ces voitures pour faire leur trafic criminel », confie t-il. « Si ces gens avaient leurs vraies identités, on les aurait facilement arrêtés », déclare –t-il.

Quelles solutions ?

Selon le responsable associatif, «cette situation inquiète les Subsahariens qui bien souvent, ont honte d’être noirs, subsahariens… parce que malheureusement, on les met tous dans le même bateau». «Il y’a plus de 12 ans quand nous sommes arrivés au Maroc, il n’y avait pas ce phénomène, car ceux qui venaient étaient des étudiants», se rappelle-t-il. «Aujourd’hui, le phénomène d’insécurité a pris de l’ampleur, avec l’arrivée en masse des personnes en situation irrégulière, relève-t-il.

Selon lui, il ne s’agit pas seulement de « régulariser les personnes en situation irrégulière, mais les insérer dans la société. Il faut également revoir les mécanismes d’octroi des cartes de séjour aux personnes en situation irrégulière, insiste –t-il. « Il faut trouver des formules, des solutions, des mécanismes pour insérer ces personnes dans la société marocaine au risque qu’ils ne deviennent un danger pour les Marocains, pour les subsahariens établis au Maroc », déclare-t-il. D’ailleurs, l’association Bank de solidarité, qu’il dirige, organisera le 23 septembre prochain, une caravane médicale qui sera marquée également par  des conférences sur la sensibilisation à l’insertion des migrants. Par ailleurs, les caïds, les pachas, les services de sécurité devraient collaborer avec les associations de migrants  pour éradiquer ce phénomène d’insécurité, recommande-t-il. « Il devrait également y avoir des relais auprès des ambassades des pays subsahariens au Maroc,  sinon la situation sera difficile d’ici 5 ans», conclut-il.

Danielle Engolo

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