«Vous êtes sur terre, c’est sans remède»

Voilà un écrivain et dramaturge puissant, lucide, profond et surdoué. Samuel Beckett est un homme de Lettres qui a incarné par ses écrits le malheur de la condition humaine. En effet, son style, ses protagonistes et son écriture reflètent dans ses œuvres l’absurdité de la destinée humaine, le sort d’un monde ayant avalé sa langue.

L’écriture est un instrument majeur dans sa démarche d’écrivain. Et les mots extériorisent davantage ce déchirement de la conscience des êtres humains habités par des questions à la fois existentielles et ontologiques. C’est en 1969 que l’œuvre de Beckett avait remporté le prestigieux prix littéraire : le prix Nobel de littérature. C’est son éditeur qui est allé le chercher.

Né le 13 avril 1906 à Foxrock, Beckett, Fils de petits bourgeois protestants, avait vu le jour dans une grande maison à la campagne, en banlieue de Dublin. Il est né pour être écrivain. Ainsi Samuel, après une carrière de l’enseignement, il cessait d’enseigner pour se consacrer entièrement à sa vocation et sa passion : l’écriture. Et pourtant il écrivait par nécessité. Au début, il écrivait en anglais puis en français. En outre, Beckett a retrouvé des entraves dans ces commencements dans le monde de la publication. Car personne ne voulait publier ses œuvres.

Quelques années plus tard il faisait la connaissance précieuse de l’écrivain irlandais James Joyce qu’il avait encouragé pour publier Murphy. Elle y fut sa première œuvre romanesque. Il faut le rappeler ; Beckett avait passé la seconde guerre mondiale dans les terres françaises où il avait joué pris part avec Suzanne à la résistance au sein du réseau franco-anglais Gloria.  Et quand la guerre avait déposé ses l’armes, il a décidé de s’installer à Paris pour recommencer une nouvelle aventure d’écriture en langue française.

Il avait retourné à Trinity College en 1930 pour occuper le poste de l’assistant de français. Entre temps il s’intéressait à la recherche et à la lecture des philosophes dont Descartes, Schopenhauer Geulincx et Malebranche, Kant, Robert Burton, Sterne.

L’écriture est un métier. Trop dur d’ailleurs !  Aux éditions Minuit, l’éditeur Jérôme Lindon lui avait édité trois romans à savoir Molloy paru en 1951, Malone meurt publié en même année et l’Innommable sorti en 1953. Les mots dans ses œuvres sont à la recherche du silence et du dépouillement. En revanche, Beckett continue à creuser dans le silence, dans le corps du texte jusqu’au point que le roman pourrait aussi bien s’arrêter que continuer. C’est la voix du silence, celle de l’auteur, qui reste dans l’Œuvre face à l’angoisse.

Or, Beckett ne badine pas les mots. Son écriture est unique avec une touche magnifique. En deux mots, c’est une plume qui se dépouille de sa propre langue.

Les férus et les passionnés de la littérature et plus précisément du théâtre découvraient Beckett à travers sa fameuse pièce de théâtre à succès : «En attendant Godot» éditée en 1953. Une œuvre qui avait fait de lui une signature de la modernité.

Certes, ce qu’il n’avait pu dire dans le roman, il l’avait exprimé «librement» dans la forme théâtrale, loin des exigences et entraves du monologue romanesque. Le théâtre. Un champ très vaste pour Beckett afin d’exprimer son humour… dialoguer, jouer avec les mots, citer des expressions philosophiques. Bref, le théâtre, dans cette optique, est une incarnation de la réalité humaine. Dans cette forme, il y exprime ainsi son cette espèce de présence absurde de l’humain, sa présence au monde, ses attentes, ses préoccupations et sa parole volée. C’est dans le temps et la parole que demeure la condition humaine. Et le rire non pour se moquer de cette réalité absurde et qui ne pense pas, mais pour faire passer le mal du siècle : l’angoisse!

Mohamed Nait Youssef

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