Yaa Asantewaa, la «gardienne du temple» de l’Empire Ashanti

Au cours de l’histoire, plusieurs femmes africaines ont résisté aux colons pour préserver le patrimoine, les traditions et les us et coutumes de leurs peuples. L’une de ces femmes est Yaa Asantewaa, reine mère dans l’Empire Ashanti, dans l’actuel Ghana. Au tout début du XXe siècle, elle mena une forte rébellion appelée «la guerre du trône d’or» contre les colons britanniques dont les ambitions étaient d’anéantir la confédération Ashanti et de s’emparer de la «Gold Coast», nom donné à l’époque au territoire connu aujourd’hui sous le nom de Ghana.

Née vers 1840, Yaa Asantewaa fut nommée reine mère d’Ejisu dans l’Empire Ashanti par son frère Nana Akwasi Afrane Okpsese, le «Ejisuhene»  ou chef d’Ejisu. La confédération Ashanti est une fédération indépendante de la grande famille des Ashanti ayant régné de 1701 à 1896. En effet, durant le règne de son frère, Yaa Asantewaa vit la Confédération faire face à de nombreux évènements menaçant son avenir. Entre 1883 et 1888, il y’eut notamment une guerre civile. Par ailleurs, on assistait à une croissance du pouvoir des colons anglais dans la région. Ceux-ci commencèrent à prendre le contrôle de larges zones de l’Empire Ashanti.

En 1894, le frère de Yaa Asantewaa, alors chef d’Ejisu, mourut. En tant que reine mère, elle nomma son petit-filsKwesiAfrane II « Ejisuhene » ou chef d’Ejisu. Deux ans plus tard, en 1896, le roi Prempeh I, 13e roi des Ashantis, fut capturé et exilé aux îles Seychelles par les Britanniques. Parmi les exilés figuraient également le nouveau Ejisuhene, le petit fils de Yaa Asantewaa et une cinquantaine d’autres chefs et dignitaires de la Confédération, à cause de leur opposition à la colonisation britannique en Afrique de l’Ouest.  Yaa Asantewaa devint donc à cette occasion régente d’Ejisu.

Pour mettre fin à la résistance de l’Empire Ashanti, le gouverneur général britannique Frederick Hodgson exigea des chefs Ashantis qu’on lui remette le «tabouret doré», symbole de la nation, pour qu’il puisse y siéger.  En1900, il  convoqua une réunion dans la ville de Kumasi avec des dirigeants locaux de la Confédération au cours de laquelle il leur fit part des conditions financières humiliantes auxquelles allait être soumis l’Ashanti. Le chef des Ashanti allait devoir être remplacé par le gouverneur britannique. Lors de la réunion, Hodgson menaça de laisser le roi Prempeh I en exil loin de sa terre natale si les Ashanti ne lui livraient pas l’historique et ancestral «Golden Stool» ou «tabouret d’or», symbole dynastique de l’empire Ashanti dont Yaa Asantewaa était désormais la gardienne. En fait, le pouvoir était transféré à chaque roi par un couronnement cérémonial impliquant le tabouret d’or sacré.

Le «Sika’dwa» ou «tabouret d’or» était le symbole de la puissance à cette époque de la nation Ashanti. Après cette réunion, les membres restants du gouvernement ashanti se réunirent en secret pour discuter de la requête des colons britanniques.Après avoir entendu certains chefs qui étaient sur le point de céder à la demande des britanniques, la reine mère Yaa Asantewaa, seule femme présente, se leva et prononça un discours resté dans les mémoires du Ghana : «Comment un peuple fier comme les Ashantis peut regarder sans rien faire alors que les Blancs enlèvent leur chef et les humilient ensuite par des demandes relatives au Siège d’Or ? Les Blancs ne voient que de l’argent dans le Siège d’Or.

Ils ont creusé et cherché partout pour le trouver. Je ne paierai pas une pièce à ce gouverneur. Si vous, les chefs de l’Ashanti allez vous comporter comme des peureux et ne pas vous battre, vous devriez échanger vos pagnes contre mes sous-vêtements. Je vois que certains d’entre vous ont peur de se battre pour notre roi. Aux temps d’Osei Tutu, d’Okomfo Anokye et d’Opoku Ware I, les chefs ne seraient pas restés assis à regarder leur roi être exilé sans tirer un seul coup de feu. Aucun Européen n’aurait osé parler aux chefs d’Ashanti comme le gouverneur vous a parlé ce matin. C’est donc vrai que le courage d’Ashanti n’est plus ? Je ne peux pas le croire. Ça ne peut être vrai ! Je dois vous dire ceci : si les hommes d’Ashanti ne vont pas au front, nous le ferons. Nous, les femmes, nous le ferons. Nous nous battrons ! Nous nous battrons jusqu’à ce que la dernière d’entre nous tombe sur le champ de bataille…».

Yaa Asantewaa, alors âgée d’une soixantaine d’années, prit la tête de la rébellion Ashanti de 1900, gagnant le soutien d’autres membres de la noblesse. La rébellion assiégea le fort de Kumasi où les Britanniques s’étaient réfugiés. Après plusieurs mois, le gouverneur de la Côte-de-l’Or finit par envoyer 1 400 hommes pour lever le siège, auxquels il fallut joindre 1 200 de plus pour mettre fin à la rébellion. Cette guerre dura 11 mois jour pour jour et prit fin lorsque Yaa Asantewaa et quinze de ses plus proches conseillers furent capturés et déportés aux Seychelles le 3 mars 1901.

La rébellion fut la dernière des guerres anglo-ashanti qui duraient depuis le xixe siècle. Le 1er janvier 1902, l’empire Ashanti devint un protectorat de la couronne britannique, au bout de presque un siècle de résistance acharnée de l’armée Ashanti.  Yaa Asantewaa mourut au Seychelles le 17 octobre 1921. Trois ans après sa mort, le 27 décembre 1924, Prempeh I et les autres exilés furent autorisés à retourner à Ashanti. Prempeh I s’assura que les dépouilles de Yaa Asantewaa et des autres exilés décédés soient ramenées pour recevoir l’enterrement qui leur était dû.

Le rêve de Yaa Asantewaa de voir les Ashanti libérés des Britanniques se réalisa le 6 mars 1957, lorsque le protectorat Ashanti gagna son indépendance en tant que partie du Ghana, la première nation d’Afrique subsaharienne à accomplir cet exploit.Yaa Asantewaa demeure une figure très appréciée de l’histoire de la Confédération Ashanti et de celle du Ghana. Elle représente le symbole du courage contre le colonialisme britannique.

Le «tabouret d’or» fut préservé et continue d’être employé dans les intronisations de chefs ashantis de nos jours.

Danielle Engolo

Top