Mélodrame

Par: Mustapha Labraimi

Toute personne ayant écouté le discours royal prononcé à l’occasion de la fête du trône a senti son importance. Sa force et sa clarté ont été soulignées, en termes initiatiques, par le Chef du gouvernement et les chefs des partis politiques constituant la majorité gouvernementale.Ceux-là même que le discours interpelle d’une manière ou d’une autre. Faut-il en rire, faut-il en pleurer? Ainsi, le champ politique marocain se trouve marqué par le mélodrame.

Les événements vécus depuis quelques temps sont repris pour les inclure dans «le paradoxe irrécusable» que semble vivre la société marocaine. Le verbe et l’émotion traduisent l’exigence patriotique qui impose sa classification manichéenne. La vérité est assénée pour qui veut l‘entendre; comme si on venait de la découvrir!

Ainsi; les lauriers de la réussite sont pour les grands investisseurs étrangers, pour l’agriculture, l’industrie et les énergies renouvelables. À l’opposé, la déception vient du déficit relevé dans «les projets de développement humain et territorial, qui ont un impact direct sur l’amélioration des conditions de vie des citoyens». La disparité entre les régions est reconnue : d’un côté, Casablanca, Rabat, Marrakech et Tanger et de l’autre des régions «qui ont un grand déficit en installations et en prestations sanitaires, éducatives et culturelles, ainsi qu’en opportunités d’emploi».

La responsabilité de ce fiasco est déterminée. Immobilisme des mentalités, passivité et procrastination de la part de l’administration publique formée d’incapables dans sa majorité, et où «la course aux postes est un moyen d’engranger les bénéfices de la rente»; des partis politiques dont certaines pratiques sont perverties, ne sont pas dignes de confiance et poussent à bouder l’engagement et la participation. On peut même se demander «à quoi servent les institutions en place, la tenue des élections, la désignation du gouvernement et des ministres, la nomination des walis et des gouverneurs, des ambassadeurs et des consuls, si, visiblement, un fossé sépare toutes ces instances du peuple et de ses préoccupations ?

Autrement dit, le constat est plus que dur, et non seulement pour l’administration publique et les partis politiques.Il s’agit d’un échec patent d’un modèle institutionnel «resté, en grande partie, lettre morte».

Sans parler de l’efficience du système éducatif dans la formation de la conscience patriotique responsable, les mentalités ne changeront que par l’application stricte de l’article 11 de la constitution qui stipule dans son premier alinéa que «les élections libres, sincères et transparentes constituent le fondement de la légitimité de la représentation démocratique. Les pouvoirs publics sont tenus d’observer la stricte neutralité vis-à-vis des candidats et la non-discrimination entre eux».

L’administration publique n’a pas à se fourvoyer dans la création et le support d’une organisation politique dont l’histoire a montré, depuis le début de l’indépendance et quel que soit le nom qu’elle s’est affublée, la responsabilité dans les ratages enregistrés dans la consolidation du processus démocratique et l’implémentation d’une pratique politique saine au sein de la société marocaine. Les mentalités les plus réactionnaires, les plus basses et les plus viles ont été encouragées pour imposer des abus d’autorité et des trafics d’influence.

Faut-il privatiser l’administration publique pour la rendre efficace et efficiente dans la gouvernance du développement auquel aspire l’ensemble du peuple marocain? Depuis l’indépendance, le secteur privé n’a cessé de vivre en parasite sur l’Etat. Pour des raisons de profit personnel, de manque de maturation et d’incapacité patriotique, le privé marocain ne pense qu’à lui et ne se préoccupe aucunement ni du pays ni de sa population. Dans sa quête à l’enrichissement, il spécule quand il ne fraude pas. L’accaparement de milliards en devises après l’annonce d’une mesure de politique monétaire montre à quel point le privé est confiant. La modernisation de l’administration publique fait partie du grand jihad annoncé juste après l’indépendance du pays.

Enfin, aux partis politiques de tirer les conclusions de cet échec dont ils partagent la responsabilité. Ils ne peuvent laisser, pour l’anecdote, un pique assiette, aussi prix Goncourt qu’il soit, les insulter et encore moins d’être «aux abonnés absents» dans l’encadrement du mouvement social, de communiquer avec la population, de l’encadrer et de servir ses intérêts.

La suite viendra car «la situation ne peut perdurer» ! Et sincèrement à tous : «Assez ! Ayez crainte de Dieu pour ce qui touche à votre patrie… Acquittez-vous pleinement des missions qui sont les vôtres, ou bien éclipsez-vous !».

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