La dérive dictatoriale de Phnom Penh

Au pouvoir au Cambodge depuis trente-deux ans, le premier ministre Hun Sen, qui n’entend pas s’en dessaisir de sitôt, s’attelle plutôt à museler toutes voix discordantes et à contenir toutes velléités d’indépendance dans le pays.

C’est à ce titre que, dans la nuit du 2 au 3 Septembre dernier, il a envoyé ses hommes arrêter Kem Sokha, le chef du Parti du Sauvetage National du Cambodge, le principal parti d’opposition, convaincu «de trahison» et «d’espionnage» après que ce dernier ait déclaré, il y a quatre ans à la télévision, qu’il était soutenu par les Etats-Unis dans le cadre de la formation d’une opposition démocratique.

Mais la dérive dictatoriale du régime de Hun Sen ne s’arrête pas là puisqu’après «vingt-quatre ans de bons et loyaux services», ce fut au tour du journal «Cambodia Daily» de mettre la clé sous la porte en publiant ce lundi son dernier numéro avec en manchette, tel un dernier baroud d’honneur, «Descente en pleine dictature».

Les différentes radios du pays ne furent pas en reste, non plus ; qu’elles appartiennent à Radio Free Asia ou à Voice of America toutes financées par Washington.

Ainsi, Phnom Penh, qui constitue un rempart à la formation par les pays de l’Asie du Sud-Est d’un front uni face aux revendications de la Chine en mer de Chine méridionale, ne se soucie guère de Washington dès lors que Pékin s’engage, en retour, à lui accorder tout soutien économique dont elle aurait besoin. Ainsi, en Juillet 2016, ce sont plus de 500 millions d’Euros que Pékin a annoncé avoir accordé au Cambodge puis 200 millions d’Euros en Mai dernier.

Il convient de préciser, à cet égard, qu’avec un taux de 7% de croissance en 2016, Phnom Penh peut se permettre de faire peu de cas, voire même de s’affranchir totalement, des exigences de ses autres donateurs qu’étaient les Etats-Unis et la France et de jouer pleinement le jeu de l’Empire du Milieu; ce qui fait dire à Sam Rainsy, opposant en exil, que les accords qui avaient été signés à Paris en 1991 et qui avaient permis au Cambodge de prendre le chemin de la démocratie après l’occupation vietnamienne et le génocide Khmer ne sont, désormais, qu’un «vulgaire bout de papier».

Ainsi, à moins d’une année des prochaines élections qui devront avoir lieu en Juillet 2018, le Premier Ministre cambodgien, cet ancien khmer rouge – aujourd’hui à la tête du pays et du Parti du Peuple Cambodgien (PPC) – ne veut rien «laisser au hasard» pour se maintenir au pouvoir.

 Nabil El  Bousaadi

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