La rue s’enflamme et les iraniennes ôtent le voile…

Neuf personnes ont été tuées dans la nuit de lundi à mardi lors de manifestations contre les difficultés économiques en Iran dans la province d’Ispahan, dans le centre de l’Iran, a rapporté mardi la télévision publique.

Selon cette dernière, six personnes ont péri dans la ville de Qahderijan, une autre a trouvé la mort à Khomeini Shah et un membre des milices Bassidji et un policier ont été tués à Najaf Abad. Quelque 450 personnes ont été arrêtées par la police depuis samedi à Téhéran lors des. Au total, au moins 21 personnes ont péri depuis le début de la vague de contestation, selon les médias officiels. Ces trois derniers jours, seuls quelques centaines de personnes ont tenté de manifester dans la capitale alors que de nombreuses villes de province ont connu des violences depuis le début des protestations, jeudi à Machhad (nord-est), deuxième ville du pays. Le mouvement de contestation social, d’une ampleur inédite, a fait descendre des milliers d’Iraniens dans les rues.

Mais que se passe-t-il donc au pays des Mollahs pour que toutes les chaînes de télévision s’y intéressent au point de passer en boucle des images provenant des différentes villes de la République islamique ? Le tour de l’Iran, autre mal-aimé du pays de l’Oncle Sam, serait-il venu ou est-ce aller trop vite en besogne que d’affirmer une telle ineptie ? L’avenir nous le dira et même plus vite qu’on ne le croit…

Quoiqu’il en soit, il semblerait, à première vue, que cette contestation soit née à la suite de la présentation par le président Rohani, le 10 décembre dernier, de son budget devant le Parlement ; un budget qui, pour la première fois, a révélé aux iraniens le montant des sommes allouées par l’Etat aux fondations religieuses, aux centres de recherches et à d’autres institutions non-élues liées au régime. Par cet exposé, le «petit peuple» dont le quotidien est de plus en plus difficile, a appris «que les religieux se taillaient la part du lion dans le budget sans en être comptables».

Les manifestations, d’abord dirigées contre le gouvernement du président Rohani «jugé incapable de répondre aux difficultés économiques» et qui avaient débuté jeudi dernier à Mahshad à l’initiative de quelques dizaines d’iraniens excédés par le chômage et par l’augmentation des prix, ont pris, en l’espace de trois jours, une ampleur inédite et touché l’ensemble du pays.

Ainsi, comme le relève Clément Therme, chercheur à l’International Institute for Strategic Studies (IISS), ce mécontentement aurait été nourri, essentiellement, par la décision prise par le gouvernement iranien « de fermer plusieurs établissements de crédits qui croulaient sous les dettes»; ce qui a généré chez les iraniens «le sentiment d’avoir été volés par l’Etat» puis par la hausse de 50% ayant affecté les prix de la volaille et des œufs.

Or si l’on en croit Ali Vaezi, de l’International Crisis Group, ce à quoi nous assistons aujourd’hui en Iran  ne serait «ni une révolution ni un mouvement politique mais plutôt l’explosion des frustrations sur la stagnation politique et économique que la population iranienne avait refoulées».

Une autre particularité de la situation actuelle en Iran est celle afférente à la remise en cause du régime par les femmes. En effet, de nombreuses iraniennes ont saisi cette occasion pour ôter leur hijab en public malgré les sanctions encourues afin de crier haut et fort leur désapprobation de l’obligation qui leur est faite de se couvrir les cheveux. L’une d’elles a même été photographié en pleine rue, les cheveux au vent et son foulard blanc accroché au bout d’un bâton ; une image tellement forte qu’elle a été relayée par toutes les chaînes de télévision et les réseaux sociaux et  qu’elle pourrait même devenir un des symboles les plus forts du soulèvement qui touche en ce moment la République islamique iranienne.

De quoi demain sera-t-il fait au pays des Mollahs ? Peut-être est-il encore trop tôt pour répondre à cette question même s’il semble, à vue de nez, que l’Oncle Sam et ses laquais dans la région n’y soient point étrangers…

Nabil El Bousaadi

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