OMS: 42% de faux médicaments écoulés en Afrique

Près de 42% des faux médicaments dans le monde sont distribués dans des pays du continent africain, selon les conclusions d’une étude menée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). D’après l’étude, 1.500 faux médicaments ont été détectés dont 42% sur le sol africain, ce qui représente «probablement une faible proportion de la réalité».

Le médicament est au centre du débat, quoi de plus normal et de plus logique quand on sait que c’est un produit stratégique, nécessaire et indispensable pour lutter contre les maladies infectieuses et qu’il intervient pour beaucoup dans la guérison et la restauration de la santé. Mais quand ce sont de faux médicaments qui sont vendus aux malades, les résultats sont souvent dramatiques. Depuis 2013, l’OMS a reçu 1500 signalements de cas de produits de qualité inférieure ou falsifiés. Parmi ceux ci, les antipaludiques et les antibiotiques sont les plus fréquemment cités. La plupart de ces signalements (42%) venaient d’Afrique subsaharienne, 21% des Amériques et 21% de la Région européenne.

Cela n’est sans doute que la partie immergée de l’iceberg et de nombreux cas ne sont probablement jamais signalés. Ainsi, seuls 8% des cas de produits de qualité inférieure ou falsifiés notifiés à l’OMS provenaient de la Région du Pacifique occidental, 6% de la Méditerranée orientale et pas plus de 2% de la Région de l’Asie du Sud Est.

Selon la définition du dictionnaire pharmaceutique de l’OMS (WHO Drug Dictionary Enhanced) et celle de la Directive européenne 65/65, un médicament est «toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines. Toute substance ou composition pouvant être administrée à l’homme en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier des fonctions physiologiques chez l’homme est également considérée comme médicament». Selon l’OMS, «un médicament contrefait est un médicament qui est délibérément et frauduleusement muni d’une étiquette n’indiquant pas son identité ou sa source véritable. Il peut s’agir d’une spécialité ou d’un produit générique et, parmi les produits contrefaits, il en est qui contiennent les bons ou les mauvais ingrédients, ou bien encore aucun principe actif, et il en est d’autres où le principe actif est en quantité insuffisante ou carrément des médicaments contrefaits qui contiennent des produits toxiques dont le conditionnement a été falsifié, ce qui est très grave .

Où se situe le problème?

Cette question est très importante, car elle nous permet d’exposer, d’étudier et d’analyser sous différents angles la problématique que posent aujourd’hui les médicaments contrefaits.

Il est clair que l’on se trouve devant un énorme problème de santé, car il ne s’agit pas de la contrefaçon d’un sac ou d’un vêtement de marque où l’impact sanitaire peut être inexistant, mais en revanche pour un médicament le consommateur est dans l’impossibilité de savoir quelle est la vraie  nature  de la gélule qu’il a entre ses mains.  Il faut savoir que 700.000 personnes décèdent chaque année à cause de ces médicaments frauduleux. Il est utile de rappeler que la falsification ou plus exactement la contrefaçon de médicaments n’est pas en soi un phénomène récent. Pourtant, l’ampleur du trafic a atteint, depuis une décennie au moins, un seuil d’alerte particulièrement inquiétant. La prolifération de faux médicaments menace désormais la santé de centaines de milliers de patients sur les cinq continents. Derrière cette frénésie des maffieux, il y a l’appât du gain et des sanctions insignifiantes.

La contrefaçon des médicaments génère entre 75 et 200 milliards par an. Les trafiquants ont deux critères. Premièrement, ils s’intéressent aux pays pauvres où les gens ne peuvent pas acheter les médicaments non falsifiés et au prix normal, et deuxièmement, aux pays où ils peuvent se faire des clients à travers internet. Aujourd’hui, nous sommes pratiquement envahis par de nombreux sites qui proposent des centaines voire des milliers de produits dont plus de 70 % sont de faux médicaments.

Les pouvoirs publics se doivent d’intervenir car la falsification de médicaments représente un réel danger de santé publique. Des actions  de sensibilisation,  d’éducation et d’information sont aujourd’hui nécessaires, tout en procédant à une amélioration de l’accessibilité aux médicaments de qualité, à des contrôles stricts de la qualité des produits mis sur le marché et à la traçabilité et la sécurité du circuit pharmaceutique.

Trafic mortel

Selon les chiffres publiés mercredi 7 février par l’Institut de recherche contre les médicaments contrefaits (IRACM), la vente de médicaments contrefaits a explosé depuis 2005 et aurait causé le décès de 700.000 personnes dans le monde. Selon les estimations, au moins 100.000 personnes meurent chaque année en Afrique à cause de faux médicaments. En 2013, 122.000 enfants de moins de cinq ans seraient décédés en Afrique subsaharienne après avoir pris des antipaludéens contrefaits, d’après une étude de l’American Journal of Tropical Medecine and Hygiene. Lorsqu’un patient est traité avec les médicaments incorrects, les bactéries et les virus sont capables de développer une résistance au traitement, ce qui les rend plus dangereux. La résistance antimicrobienne pourrait causer 10 millions de morts supplémentaires d’ici 2050 et coûtera 100.000 milliards de dollars au système de santé dans le monde entier.

L’Afrique, un dépotoir de faux médicaments

Au mois de Juillet 2013, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) avait  lancé son système mondial de surveillance et de suivi des médicaments, des vaccins et des tests de diagnostic in vitro. Durant 4 années, l’OMS a procédé au recueil de données et ce, jusqu’au 30 juin 2017.

L’OMS vient de publier son premier rapport, et d’après les nouveaux travaux de recherche menés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), 1 médicament sur 10 en circulation dans les pays à revenu faible ou intermédiaire est, selon les estimations, soit de qualité inférieure, soit falsifié.

Selon le rapport, 42% des 1 500 faux médicaments détectés, ont été repérés sur le continent africain. Pour l’organisation, ces quelque 1 500 cas ne représentent que la partie visible de l’iceberg. Les médicaments les plus contrefaits sont : les antipaludiques (antimalariens), les antibiotiques, les antituberculeux, les antirétroviraux (SIDA), les antipyrétiques (contre la fièvre), les analgésiques (contre les douleurs), les hormones (insuline), les produits de confort (viagra, cosmétiques).

En clair, les patients prennent des médicaments qui ne peuvent ni traiter ni prévenir la maladie. Il s’agit non seulement d’un gaspillage d’argent pour les personnes et les systèmes de santé qui achètent ces produits, mais les produits médicaux de qualité inférieure ou falsifiés peuvent aussi entraîner de graves maladies voire des décès.

L’Europe aussi  menacée par les faux médicaments

Véritable fléau dans les pays en développement, les médicaments falsifiés, dangereux pour la santé n’épargnent plus désormais les pays européens et commencent à toucher la France, surtout via Internet : antibiotiques, contraceptifs, anticancéreux, vaccins…

Cette soudaine poussée de  contrefaçon en Europe s’explique par la libre circulation des médicaments, qui est à l’origine d’un commerce parallèle lié aux différences de prix entre les pays membres. Des produits falsifiés ont été découverts à plusieurs reprises. C’est notamment le cas d’un médicament anticancéreux onéreux, l’Herceptin, dont des versions contrefaites ont été retrouvées en 2014 dans plusieurs pays (Allemagne, Royaume Uni, Finlande). C’est aussi le cas pour du faux Valium (Diazépam) qui a causé la mort de plusieurs personnes en Écosse. Aujourd’hui, pratiquement tous les pays de l’Union Européenne voient  leur circuit de distribution infiltré par de faux médicaments, en particulier un faux anticancéreux, le Velcade.

Les facteurs favorisant l’essor de ce commerce illégal

De nombreux facteurs sont responsables ou permettent le trafic de faux médicaments et son émancipation. En premier lieu, la corruption, une  mauvaise gouvernance, des institutions faibles favorisent la corruption et les conflits d’intérêts qui peuvent nuire à l’efficacité des autorités de réglementation pharmaceutique et des personnes chargées de faire respecter les lois. Ce facteur permet aux trafiquants d’échapper aux arrestations, aux poursuites ou aux condamnations.

Il y a aussi l’insuffisance du cadre juridique qui permet aux trafiquants et maffieux d’échapper à la justice ou d’être condamnés à des peines insignifiantes.

Le manque de collaboration entre les acteurs impliqués dans la réglementation, le contrôle, les enquêtes et les poursuites. Ce constat s’applique aux niveaux national et international avec la multiplication des intermédiaires. Les prix élevés ou différentiels de certains médicaments et la méconnaissance des prix des génériques de qualité, disponibles à un coût dix fois inférieur, favorisent la fourniture de faux médicaments meilleur marché, de même que la pauvreté et l’analphabétisme…

Qu’en est-il au Maroc?

Le Maroc est relativement épargné par le phénomène des faux médicaments, mais il n’empêche que de temps à autre éclatent ici et là des affaires qui défraient la chronique.

Ceci étant, il faut souligner que le Maroc est confronté à un trafic multiforme caractérisé en particulier par la contrebande de médicaments authentiques, c’est-à-dire que  les trafiquants achètent des médicaments légalement dans les pays voisins (Algérie, Espagne) où ils sont moins chers (ou remboursés par la Sécurité Sociale), ou les volent dans les hôpitaux, puis les importent et les revendent dans les souks marocains.

En outre, certains laboratoires de produits pharmaceutiques ne respectent pas la loi et alimentent directement la vente de médicaments dans la rue. Sans traçabilité ni contrôle lors de la production et du transport des médicaments, impossible de connaître la qualité et la composition réelle de ces produits.

C’est souvent le cas de pharmaciens de zones bénéficiant de certaines dérogations qui s’approvisionnent très largement, au dessus des besoins réels et qui revendent la marchandise.

Rappelons qu’au cours de l’année 2017, les forces de police sont intervenues dans plusieurs dizaines d’affaires de contrebande de produits pharmaceutiques.

Ceci n’a pas empêché l’essor de circuits informels. Le plus bel exemple de la contrefaçon et de la contrebande des médicaments au Maroc est  la ville d’Ahfir qui jouxte la frontière Maroco-Algérienne.

A Oujda, la capitale de l’Oriental, c’est le souk El Fellah qui est synonyme de vente de  toutes sortes de médicaments dont la très grande majorité sont des produits de contrebande en provenance d’Algérie, des médicaments qui souvent falsifiés, périmés ou sous dosés sans oublier la commercialisation de faux médicaments au niveau de certaines épiceries, où toutes sortes d’antalgiques (pour calmer les douleurs), ou antipyrétiques (contre la fièvre), et même des  compléments alimentaires ou vitamines sont délivrés à l’unité sans ordonnance, encourageant la progression d’un autre fléau; celui de l’automédication.

Pour une prise de conscience collective

Depuis de longues années, la question des faux médicaments a suscité un très grand intérêt. Elle n’a pratiquement laissé personne  insensible. Tout le monde en parle. Chacun y va en fonction de ses propres connaissances ou de ce qui se colporte. A dire que  le problème des médicaments falsifiés reste peu ou pas connu dans notre société.

En effet, malgré les campagnes entreprises en Europe, aux USA et ailleurs, force est de constater que chez nous le fléau des faux médicaments est peu médiatisé et peu connu, du grand public comme du reste des autorités politiques à quelques exceptions près.

Aujourd’hui, au regard des événements et de l’ampleur de ce fléau, en prendre conscience est la première étape indispensable à une lutte efficace et une meilleure protection de la Santé  de nos concitoyens.

La falsification de médicaments dans le monde n’est pas un phénomène récent, mais un fléau qui s’aggrave. Si les grandes opérations internationales attirent l’attention des médias par leurs saisies record, le fond du problème reste peu (voire pas) abordé.

L’éveil des consciences à cette menace grandissante est essentiel à la mise en place d’une lutte efficace contre les faux médicaments. Et cette prise de conscience est requise à tous les niveaux et nécessite beaucoup de vigilance.

Ouardirhi Abdelaziz

 

Les médicaments contrefaits seraient à l’origine de 700.000 décès

62% des médicaments en vente sur Internet sont des faux.

1/3 des médicaments vendus dans certains pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine sont contrefaits.

75% des médicaments contrefaits viennent de Chine et d’Inde.

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