Les comptables agréés plus que jamais divisée

Rien ne va plus au sein de l’Organisation professionnelle des comptables agréés (OPCA). A peine réglementée et réorganisée, la corporation des comptables agréés vit au rythme d’une guerre intestine qui ne dit pas son nom.

Elu en juillet 2016, le Conseil national de l’OPCA est désormais bicéphalique. Deux présidents qui se réclament «légitimes».

Au moment où le premier président du premier ordre de l’histoire de la profession, Mohamadi Rachdi El Yacoubi, continue d’exercer ses attributions, le membre du Conseil national, Ali Abroun, affirme qu’il a été désigné par ce même conseil afin  d’assurer l’intérim étant donné que l’élection d’El Yacoubi a été invalidée par le tribunal administratif de Rabat.

L’affrontement entre les deux parties, qui durent depuis des mois, a pris une mauvaise tournure qui ne passera pas sans impact sur la profession. Derniers épisodes en date, deux réunions en une. Celle du vendredi 02 février suite à laquelle la gabegie totale règne au sein de la profession. Alors que s’est-il passé?

Communiqués interposés

«Nous avons publié un communiqué suite à l’éviction  du président de l’OCPA, Mohamadi Rachdi El Yacoubi, lors de la réunion du Conseil national du 02/02/2018 étant donné qu’il se trouve dans une situation d’incompatibilité conformément à l’article 16 de la loi 127-12 relative à l’organisation professionnelle des comptables agréés», a affirmé Abroun dans une déclaration à Al Bayane.

Interpellé sur les raisons ayant poussé des membres du Conseil national à «déchoir» leur le président, celui-ci avance que «le président entrave la bonne marche de l’organisation et ne met pas à exécution les décisions du Conseil national».

Ce qui impacté négativement, d’après lui, «les intérêts des professionnels de sorte à ce que depuis la création de l’organisation et son élection en tant que président le 28 juillet 2016, 1600 comptables agréés n’ont toujours pas reçu leurs cartes professionnelles».

Criant au complot, le président de l’OPCA assure de son côté que la réunion du Conseil national du 02/02/2018 n’a pas connu de désignation d’un nouveau président et qu’après la clôture de celle-ci par ses soins, «sept membres du Conseil ont tenu une autre réunion illégitime et illégale en l’absence du Président et des autres membres du Conseil». Et de poursuivre «qu’en complète contradiction avec les lois en vigueur, ces 7 membres ont révoqué le Président et ont également désigné M. Abroun pour gérer les affaires administratives du Conseil national dans l’attente de l’élection d’un nouveau Président».

Ce qui se croise en partie avec les dires de son antagoniste qui nous a précisé, dans ce sens, qu’«après la réunion de 02/02/2018, la majorité des membres du conseil national (7 contre 6) ont demandé au président l’intégrer un point relatif à l’explication de la situation de blocage dans l’ordre du jour ainsi que sa situation d’incompatibilité  et ce d’autant plus que le tribunal administratif de première instance a statué par son éviction».

Incompatibilité levée !

Reprochant au président de prendre des décisions individuelles sans concertation avec le Conseil national, «le président par intérim», s’appuie sur le PV de «l’éviction par la majorité», dont Al Bayane détient une copie, pour  affirmer que cette dernière a fini par constater que «la démarche du président a impacté négativement l’organisation qui a perdu sa crédibilité en tant que principal partenaire de la Direction générale des impôts (DGI)».

«Parmi les 6 membres du conseil qui soutiennent toujours le président, il y a deux membres qui ont été derrière la plainte déposée contre lui pour incompatibilité», a soutenu Abroun en s’étonnant «ces eux qui l’ont déchu et aujourd’hui ils sont solidaires avec lui ! Rien que cela renseigne sur les grands intérêts de ces gens».

Sur la défensive, le président de l’OPCA réfute les arguments de ses détracteurs. «Il n’y a aucune décision du tribunal administratif. La décision dont il parle est un jugement de première instance qui n’a pas un caractère exécutoire», a-t-il relevé.

Légalement parlant, de son point de vue, «on ne peut pas se baser sur cette décision pour appeler à une réunion du Conseil national .  Et d’ajouter «nous avons des élections qui élisent un Conseil national de 13 personnes pour un mandat de quatre ans. Si l’on élit un président, on est tenu de le garder jusqu’à fin de son mandat. C’est ça le jeu de la démocratie».

Assurant que l’incompatibilité a déjà été levée depuis qu’il a présenté sa démission en tant que professeur universitaire, EL Yacoubi  raconte qu’il a démissionné en janvier 2017 sauf qu’il ait continué à animer des cours magistraux au profit de ses étudiants jusqu’à la fin de l’année universitaire et qu’il n’exerce plus depuis juillet 2017.

«C’est désormais la Cour d’appel du tribunal administratif qui doit statuer sur l’incompatibilité avec un jugement exécutoire», nous a-t-il dit avant de se rétracter : «Même dans ce cas, j’aurais un délai 60 jours pour faire un recours en cassation».

Selon lui, la majorité au sein du Conseil national n’a aucun sens. «Ils peuvent être 12 contre 1, mais ils ne peuvent rien contre le président», a-t-il clamé.

Linge sale ou assainissement de la profession

Reprochant à ses opposants de laver le linge sale sur les colonnes de la presse, El Yacoubi se demande : «S’il s’agit de linge sale qu’on le lave au sein de la profession et ce n’est pas la peine de ternir l’image de l’institution».
S’attaquant frontalement à ses détracteurs, il a considéré que «ces gens ont vécu dans la rente». Un fléau qu’il assure combattre en faisant face à ces gens qui lui mettent les battons dans les roues. «Ils faisaient ce qu’ils voulaient au sein de la commission national du recours fiscal, ils étaient logés dans les chambres de commerces, dans la commission de nomination des experts judiciaires dans la comptabilité… Et ces mêmes membres avaient leurs propres intérêts et avec mon arrivée, ils ne sont pas contents», a-t-il noté.

«Avec l’arrivée de l’OPCA, nous devions désigner de nouveaux membres dans ces dites commissions y compris la commission de l’examen de l’ISCAE -l’accès à la profession se fera dorénavant sur concours comme c’est le cas pour l’expertise comptable et le notariat et autres -, et de peur de perdre leur rente, ils ont commencé à nous attaquer», s’est-il indigné.
«Cela fait un an qu’on pratique ensemble et ils connaissent mon orientation vers la modernisation et l’assainissement de la profession», a-t-il clamé en estimant que l’opposition au sein du Conseil national est animée par des «enjeux politiciens très restreints qui vont à l’encontre de la profession».

Voilà ce qui laisse à dire que cette guerre sur fonds d’intérêts divergents est loin de finir hypothéquant au passage l’évolution d’une profession.

Mohamed Taleb

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