Quels impacts sur la santé des patients?

Les problèmes qui concernent directement ou indirectement le secteur de la santé sont multiples et variés. Il peut s’agir des ressources humaines, du financement, des soins, des infrastructures, de la motivation… Bref la liste est longue, cependant on parle peu de la rupture de stock de certains médicaments et de leur impact sur la santé des patients. La rupture de stock de certains médicaments peut être très grave, surtout quand il s’agit d’un produit médicamenteux vital.

Nombreux sont ceux  qui se souviennent de la soudaine disparition des rayons des pharmacies de Largactyl et du Nozinan, deux produits très utilisés dans certaines pathologies psychiatriques. S’en est suivie la rupture du Gardénal, qui faut – il le souligner, est un médicament très utilisé dans les crises d’épilepsie. Par la suite, il y a eu d’autres médicaments qui n’étaient pas disponibles, et à chaque fois, le même scénario se répétait. Le problème c’est que ces ruptures d’approvisionnement n’étaient pas partielles, mais totales car ces produits n’étaient pas disponibles sur le marché.

Face à ces situations, les pharmaciens essaient de faire du mieux qu’ils peuvent pour aider les patients. Certains pharmaciens contactent eux – mêmes les médecins prescripteurs pour trouver une solution particulièrement pour les molécules disposant d’une alternative thérapeutique, quand le produit est substituable, ce qui n’est pas toujours le cas. Commence alors un vrai parcours du combattant pour le malade et sa famille. Tout le monde cherche ici et là le produit prescrit. Certains, qui ont des connaissances et des moyens, n’hésitent pas à voir sous d’autres cieux.

Quoiqu’il en soit, la question des ruptures de stock des médicaments ne doit pas exister. Il y va de la santé des patients. C’est parfois une question de vie ou de mort. C’est d’autant plus vrai quand c’est un produit médicamenteux vital comme par exemple l’insuline ou un vaccin, un sérum, hormones

Les principaux responsables de ces ruptures de stock sont les fabricants qui ont le devoir  et l’obligation de mettre sur le marché national, les quantités suffisantes de médicaments nécessaires aux traitements de toutes les maladies. Cette responsabilité est clairement explicitée par la législation des médicaments qui oblige les différents laboratoires de médicaments à détenir continuellement un stock qui est équivalent à trois mois de consommation de chaque produit. Il s’agit de stocks de sécurité définis par l’arrêté du 12 Juin 2002.

Le ministère de la santé est très sensible à la question des ruptures d’approvisionnement et des ruptures de stock des médicaments. Il ne cesse de rappeler à l’ordre tous les laboratoires fabricants ou ceux qui importent des médicaments pour éviter aux malades de passer par des moments difficiles.

La sécurité  des patients au cœur du débat

Qui dit rupture de médicaments fait obligatoirement référence aux patients, à la sécurité des malades. Il est inadmissible et injuste  d’admettre qu’un malade ne puisse recevoir son traitement à cause d’une rupture de stock, car dans la grande majorité des cas, les effets ne se font pas attendre surtout quand c’est un produit médicamenteux vital. Dans ce cas précis, comme du reste dans les autres situations semblables, c’est la sécurité des malades qui est en jeu et en tant que telle,  la sécurité  des patients doit être  au cœur du débat sur les ruptures d’approvisionnement et de stock des médicaments,  aussi bien au niveau des établissements pharmaceutiques industriels, les grossistes, les officinaux, les hôpitaux et les cliniques privées.

Conscient des réels enjeux pour la santé des malades, le ministère de la santé a mis en place les gardes fous, et la législation en vigueur concernant le médicament a connu une refonte presque totale et a renforcé les obligations des laboratoires pharmaceutiques en matière de gestion du risque de pénurie d’un produit qu’ils commercialisent. Ce qui revient à dire que si un laboratoire pharmaceutique produit un médicament particulièrement d’intérêt thérapeutique majeur, il doit préparer en amont un plan de gestion de pénurie, pour qu’il puisse  augmenter ses stocks.

Mon expérience au sein des établissements hospitaliers m’a permis de vivre ces situations de ruptures de certains médicaments ou de fongibles, de matériels, de produits de contrastes et autres et de mesurer à sa juste valeur l’impact de ces  ruptures sur la prise en charge des patients. Ces problèmes se répercutent considérablement sur la qualité de soins, qui agit négativement sur l’état de santé des patients et parfois un drame peut survenir.

Que dit la loi 17-04?

Il faut tout d’abord rappeler que la disponibilité et la sécurité d’approvisionnement des médicaments sont des impératifs de santé publique, et qu’à cet effet, un ensemble de dispositions législatives et réglementaires régissant les stocks de sécurité des médicaments existent et sont appliquées pour justement pallier aux conséquences des ruptures de stock des médicaments et des effets que cela peut avoir sur la santé des malades et l’observance de leurs traitements.

De ce fait et en vertu de la loi n° 17 – 04 portant code du médicament et de la pharmacie, notamment son article 84, les établissements pharmaceutiques industriels grossistes répartiteurs sont tenus de détenir un stock de sécurité des médicaments qu’ils fabriquent, importent  ou distribuent pour assurer l’approvisionnement continu et régulier du marché national…

Dans le cas où des constations par le ministère de tutelle pour non respect des dispositions législatives et réglementaires régissant les stocks de sécurité des médicaments sont faites, des sanctions sont prises. L’autorisation peut être retirée quand le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) n’assure plus l’approvisionnement normal du marché pendant une période de 6 mois ou ne respecte pas les dispositions législatives et réglementaires en vigueur en matière de stock de sécurité.

Le législateur a prévu tout un arsenal juridique qui concerne tous les intervenants dans la chaine du médicament. Outre les autorités sanitaires, il y a  les fabricants, les grossistes, les officinaux, les hôpitaux

Quels sont les dysfonctionnements responsables des pénuries?

Parmi les causes qui sont le plus souvent avancées pour justifier les pénuries ou ruptures de stock des médicaments, il y a celles qui sont réglementaires. C’est  le cas de l’établissement de nouvelles spécifications pour un médicament ou le transfert de production vers un nouveau site. Il y a aussi des causes économiques qui sont avancées par les industriels qui arrêtent la production d’un produit jugé non rentable.

La baisse des prix de plus de 3.000 médicaments décidée par le ministère de la santé a eu des effets bénéfiques concernant l’accès aux médicaments qui profite à un grand nombre de nos concitoyens, c’est une initiative louable.

Certains industriels  ne voient pas d’un bon œil ces baisses. Ils déclarent vendre à perte et craignent à terme l’arrêt de commercialisation. Les pharmaciens, de leur côté se plaignent pratiquement tous les jours et déclarent que de nombreux pharmaciens ferment boutiques, d’autres n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Même son de cloche du côté des grossistes.

Il est vrai que tout n’est pas rose, mais il faut dire aussi que certains exagèrent.

Dans ce genre de situation et eu égard aux rôles que joue l’industrie pharmaceutique nationale, qui est une industrie citoyenne. Il faut chercher une solution gagnant-gagnant qui permette à la fois un juste retour pour l’industriel et un coût supportable pour les citoyens, pour les organismes d’assurance maladie et partant, pour notre société.

Ouardirhi Abdelaziz

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