«Le Maroc a signé «approximativement» toutes les conventions sur les droits d’auteur»

Messaoud Bouhcine, président du Syndicat marocain des professionnels des arts dramatiques

Réalisé par Nait Youssef

Pour Messaoud Bouhcine, président du Syndicat marocain des professionnels des arts dramatiques, le Maroc a signé «approximativement» toutes les conventions relatives aux droits d’auteur et droits voisins. Il est doté, explique-t-il, de lois importantes dans ce secteur. Toutefois, c’est au niveau de la gestion de ces droits par le Bureau marocain du droit d’auteur que le bât blesse.

Al Bayane : Que pensez-vous de la propriété intellectuelle?

Messaoud Bouhcine : En gros, la propriété intellectuelle, dont les droits d’auteur et les droits voisins, constitue un sujet important mondialement,  notamment sur le  plan industriel, mais aussi littéraire et artistique. Il est en outre l’un des enjeux majeurs et piliers sur lesquels se base l’économie moderne. Il faut rappeler aussi que cette dernière ne se limite pas uniquement aux produits matériels, mais s’étend aussi aux idéaux, qui sont le noyau du développement économique et social. Dans cette optique, il est nécessaire de donner une place prépondérante à la propriété industrielle et commerciale, tout en renforçant et multipliant les efforts afin de préserver et protéger la propriété littéraire  et artistique.

Pourquoi cet intérêt accordé à la propriété littéraire  et artistique?

Parce qu’elle fait partie des vecteurs clés du développement des sociétés sur toutes les facettes. Par nature, les travaux artistiques et littéraires sont l’objet de multiples consommations et diffusions sur les différentes plateformes, surtout avec l’évolution des moyens technologiques modernes.

Cela veut dire qu’une chanson, un film, une pièce de théâtre peuvent être exploités dans les pays où ils sont produits  ou encore dans  d’autres pays. C’est pour cette raison qu’on trouve des lois et des conventions internationales qui régularisent et organisent ce secteur sous la direction de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle. Il va sans dire que l’innovation et la création sont désormais ce qui guide le monde dans le contexte actuel.

Une chanson ou encore une œuvre peuvent également contribuer au mouvement et à la dynamique des idées qui circulent dans plusieurs pays sur internet, chaines, tv, radios… ou dans les espaces publics (cafés, restaurants, …) et qui encouragent par la force des choses la consommation. Cette consommation des produits artistiques et littéraires contribue à l’amélioration de la productivité et de l’économie. Dans ce sens, le créateur doit profiter davantage des collectes et des revenus de ses travaux et de ses œuvres. C’est l’un des droits humains confirmé dans l’article 27 de la  Déclaration universelle des droits de l’Homme et les conventions internationales relatives à la propriété intellectuelle.

Quid des conventions relatives aux droits d’auteur et droits voisins signées par le Maroc à l’échelle mondiale?

Le Maroc a signé «approximativement» toutes les conventions relatives aux droits d’auteur et droits voisins. Il est doté de lois importantes dans ce secteur dont une grande partie est liée à des conventions d’échange libre signées par le Maroc avec d’autres pays. Dans cette optique, la propriété intellectuelle était une condition capitale dans les négociations. Le Maroc n’a pas encore approuvé  la Convention de Pékin des artistes de l’audiovisuel. Grosso modo, l’arsenal juridique du Maroc dans le domaine des droits d’auteur et les droits voisins est très bon et cohérent avec les critères internationaux…mais le problème réside dans la gestion des droits par le Bureau marocain du droit d’auteur. Et c’est une longue histoire!

Sur le plan législatif, que pensez-vous du système de rémunération dont  la copie privée est devenue la première source de revenus au Maroc?

En tant que représentant du Syndicat que je préside, j’étais parmi les personnes qui ont travaillé et plaidé dans ce chantier aux côtés des organisations professionnelles. Nous avons gagné ce pari et ce droit, en revanche, ce n’est pas pour ces finalités et rumeurs  d’aujourd’hui. Le but ultime était de donner au Bureau une nouvelle force qui lui permettra d’investir davantage une partie des revenus et collectes dans le développement de ses capacités gestionnaires et organisationnelles pour mieux élargir et préserver ses acquis et ceux des ayants droits.

Le problème aujourd’hui réside dans le fait que les tâches que ce bureau  devait accomplir et gérer sont plus grandes que ses pouvoirs et sa capacité de gestion, alors que le soutien et l’aide de l’Etat sont très limités dans ce cadre parce qu’il gère des collectes qui reviennent aux privés. En outre, il faut que ce bureau continue le parcours qui lui a été tracé par cette réforme lors du mandat du gouvernement  précédent. Il faut rappeler que la copie privée est une partie du programme de la réforme globale et intégrée. Rappelons dans cette optique, les objectifs suivants :

Il faut revoir la situation juridique du BMDA à travers une représentation des ayants droits dans le conseil administratif selon leurs catégories et le renforcement du rôle de l’Etat comme garant des droits :

– Le développement de son système administratif (gestion, collectes, supervision…)

– La création d’un nouveau système pour définir le degré d’exploitation des œuvres protégées.

– L’établissement d’un nouveau système transparent et équitable pour la répartition des revenus.

– L’élargissement du nombre d’adhérents

– Le développement des revenus.

– La mise en œuvre des droits voisins.

Ceci dit, la « distribution » des revenus de la copie privée en dehors de ce cadre est un retour à l’ancienne stratégie et pratique, parce que les critères ne sont pas clairs, et la manière de les répartir n’est pas connue. Si cette affaire est confirmée, elle aura des suites juridiques parce qu’on ne peut distribuer des fonds qui ne se caractérisent pas par la précision. Il faut trancher avec cette idée que le bureau est une propriété des adhérents. Il doit au contraire gérer les droits de tous les ayants droits propriétaires des œuvres exploitées parce qu’il détient le monopole de la gestion collective de ces droits au Maroc.

Est-ce vrai  que la plupart des auteurs et artistes  ignore parfois leurs droits, qu’ils manquent souvent de moyens financiers pour assurer leur protection ?  Qu’en est-il de la sensibilisation dans ce cadre?

Malheureusement, plusieurs artistes ignorent et négligent leurs droits parce que les artistes, à mon avis, mélangent les droits et la façon de les procurer. Ce qui est dû au vide au niveau législatif. Au cours des dernières années, les artistes et professionnels du secteur ont commencé à s’intéresser à ce secteur, ce que j’ai constaté de près lors du dernier congrès du Syndicat qui a œuvré  pour sensibiliser et ancrer cette culture des droits dans la mentalité de ses adhérents.

Quelles sont vos propositions pour améliorer les droits d’auteur, les droits voisins, les droits de suite et les droits moraux  au Maroc?

Je pense qu’il faut continuer à renforcer le Bureau marocain des droits d’auteurs et le transformer en une institution pour la gestion collective des droits avec une représentation de toutes les catégories des ayants droits dans ce bureau, tout en laissant le soin à l’Etat, à travers le Ministère de la Culture, de veiller sur sa gestion, selon les lois. A cela s’ajoutent le renforcement de son appareil administratif et le développement de ses revenus, ainsi que l’intégration de la technologie moderne dans la définition du degré d’exploitation et de la répartition.

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