Les appétits d’Unimer confortés par Brasseries du Maroc?

Baisse des ventes, bataille sur la taxation du sucre, reconfiguration du marché, … Même si le secteur des boissons gazeuses n’est pas encore entré dans la tourmente, les menaces quant à la hiérarchie des acteurs du marché semblent nombreuses. Et la perspective d’un retour de l’ex-Société des Brasseries du Maroc sur ce marché, après 15 années d’absence, pourrait faire le bonheur d’un petit poucet, Ice Cola.

Ils sont une vingtaine à se partager les restes d’un gâteau de 6 milliards de dirhams dont Coca Cola contrôle déjà plus de 80%. Ils, ce sont les autres acteurs de sodas dont un géant mondial du nom de Pepsi-Cola qui peine à trouver ses marques sur un marché qu’il avait réintégré au début des années 2000 après un premier départ. Parmi ces acteurs ou ces marques, une marque marocaine tire son épingle du jeu. Arrivée au début des années 2000, Ice Cola, marque du producteur VCR-Sodalmu, filiale du groupe agroalimentaire Unimer, fait partie des rares marques qui ont survécu à ce florilège de marques de la vague 2003. Rappelez-vous des Mecca Cola, Arab Cola, ZamZam Cola, Ice Cola, Pepsi-Cola, Coca-Cola, Sim Cola…, aujourd’hui presque toutes perdues de vue. Ice Cola, positionnée très tôt dans le lowcost et surtout dans la périphérie, continue pourtant son chemin. Celle-ci n’a pas arrêté de se renforcer, en conquérant des parts essentiellement dans les zones rurales grâce à un produit conçu pour satisfaire la bourse d’une clientèle qui ne peut s’offrir le luxe d’un vrai Coca Cola. La marque réalise aujourd’hui plus de 500 millions de dirhams de chiffre d’affaires. Avec le désengagement en ligne de mire de l’embouteilleur espagnol du marché marocain, et une redistribution des cartes en vue, Ice Cola saura-t-elle faire son entrée dans les centres-villes?

Un mouvement dans le secteur bénéfique

Le défi reste énorme compte tenu de l’atmosphère actuelle autour des boissons gazeuses. Mais, avec Société des Boissons du Maroc (ex-Société des Brasseries du Maroc) qui s’active pour revenir sur le marché des boissons gazeuses, l’on s’attend à ce que l’introduction de nouvelles marques propres à Castel (maison-mère de SBM) crée de nouvelles opportunités pour Ice Cola. Adossé à un groupe solidement implanté dans le domaine agroalimentaire, Ice Cola bénéficie d’atouts non négligeables : une logistique déjà existante. Issue de différents regroupements de sociétés, VCR-Sodalmu est présente sur le marché marocain avec une large gamme de produits (vinaigre, moutarde, mayonnaise, ketchup, confiture, sel de table, cornichons, concentré de tomates… etc.)fabriqués dans ses propres usines. Pikarome, LallaChama, Titus sont quelques unes de ses marques bien connues du public. En se lançant dans la production et la distribution de boissons gazeuses, l’entreprise (Sodalmu) rachetée par le Groupe Alj à la famille Amhal vient fournir aux couches populaires un complément à prix abordable dans leur alimentation. Mais avec la taxation du sucre consacrée par la dernière loi de finances, l’Ice Cola sera-t-elle toujours aussi attractive ? Les chiffres à la fin de cet exercice fixeront le public. Toutefois, Ice Cola devra faire face à un concurrent qui se profile sur son segment. À en croire un confrère, un nouveau produit vient d’être lancé, la marque Laïko, par un entrepreneur qui a fait ses armes dans le secteur, Mehdi Mrabet, avec un investissement de 100 millions de dirhams à la clé.  Le combat promet d’être rude.

 

SBM – Coca Cola : une revanche dans l’air?

Diffusé dans la presse dès le mois d’août et acté lors de l’assemblée générale de mi-septembre dernier, le changement de dénomination des Brasseries du Maroc prend, peut-être, tout son sens dans la reconfiguration en cours du secteur des boissons. En passant de Société des Brasseries du Maroc à Société des Boissons du Maroc, la filiale de Castel se débarrasse non seulement de cette connotation de producteur de boissons alcoolisées uniquement, mais se prépare également à élargir son périmètre d’actions. D’ailleurs, ce changement coïncide fort bien avec la fin en 2018 du “gentlemen agreement“ ou la clause de non-concurrence sur le marché des boissons gazeuses entre Equatorial Coca Cola Bottling Company, maison-mère de North African Bottling Company (NABC), et Castel, maison-mère française de l’ex-Société des Brasseries du Maroc tel que le révèle un mensuel de la place. L’accord avait été conclu lors de la cession par Castel de ses activités d’embouteillage des produits Coca Cola en 2003 et son arrivée à terme remet Castel dans la partie. Le Maroc rejoindra-t-il la map Afrique de Castel en matière d’embouteillage des produits de la célèbre marque américaine ? Ou Castel s’apprête-t-elle à lancer sur le marché ses propres marques ? L’une ou l’autre des alternatives ne s’excluent d’ailleurs pas.
Déjà, dès 2017, la SBM préparait le terrain à un retour dans les boissons gazeuses en lâchant dans les médias des rumeurs concernant cette éventualité. «Les plans de campagne sont déjà prêts et les troupes déjà sur les starting-blocks pour revenir sur le marché des boissons gazeuses dont SBM est sortie en juillet 2003», légendait un hebdomadaire économique. Avec quels produits? Difficile de savoir à l’heure actuelle. Castel produit et distribue sur nombre de marchés africains des marques telles que Top, Youki, Caprice, Boga, etc., en même temps qu’elle pour la plupart du temps embouteilleur de Coca Cola. Est-ce à dire que l’entreprise française serait prête à reconsidérer le même modèle au Maroc, ce qui reviendra à racheter une entreprise qu’elle avait cédée il y a 15 ans ? Pari difficile à prendre d’autant plus que le marché fait grise mine et NABC a pris de la valeur entre temps. Plus logiquement, et pour redynamiser le marché, SBM devrait miser sur de nouveaux produits, lesquels lui permettront non seulement de concurrencer les autres acteurs, mais de faire perdre de la marge de manœuvre à NABC avant de, peut-être, le récupérer plus tard. Qu’à cela ne tienne, une possible revanche est dans l’air. Car l’on se rappelle comment Castel avait perdu l’embouteillage de Coca Cola en 2003. À la suite de la cession de SBM par l’ex-SNI à Castel, ce dernier détenant de facto la Société Centrale des Boissons Gazeuses (SCBG), embouteilleur de Coca Cola, qui faisait partie du périmètre de SBM. The Coca Cola Company prend offense de cette opération qui s’est déroulée sans avoir été mise dans la confidence et notifia à SBM qu’il mettait un terme à leur partenariat industriel. Castel, contrainte de vendre SCBG à ECCBC déjà présente dans le nord du pays, empoche un joli pactole mais signe une paix des braves, une clause de non-concurrence, qui l’éloigne du marché des boissons gazeuses pendant 15 ans. Une clause qui arrive à échéance en 2018 et peut-être, une possible revanche dans l’air pour Castel.

Une prise de conscience qui fait mal

Les chiffres le montrent aussi bien au Maroc qu’à l’international, les boissons gazeuses ne sont plus tout à fait en odeur de sainteté comme quelques années auparavant. Au Maroc, et selon les chiffres du cabinet Nielsen révélés par le magazine Economie Entreprises, le marché des boissons gazeuses aurait régressé de 11,7%, à fin septembre 2018 par rapport à la même période en 2017. Les causes ? À la concurrence d’une vingtaine d’acteurs, s’est ajoutée une prise de conscience qui fait mal au secteur. Corrélée avec l’expansion du diabète et de l’obésité, la consommation des sodas souffre désormais de plus en plus d’une campagne de sensibilisation accrue qui pousse de nombreux consommateurs à cesser ces produits ou du moins, à en baisser la consommation. Et sur un marché que domine Coca Cola à 80%, l’impact sur ses chiffres est immédiat. Et la tendance n’est pas prête de s’inverser.
Mais le Maroc n’est pas le seul marché à donner du fil à retordre au géant américain. Avec l’appel de l’Organisation mondiale de la santé à mettre en place des taxes sur les sodas pour lutter contre l’obésité, le diabète, l’hypertension, les maladies cardiovasculaires, la dégradation de la dentition, etc., le marché global des boissons gazeuses n’est pas encore sorti de l’auberge. Plusieurs villes américaines comme Berkeley (Californie, ouest) et Philadelphie (Pennsylvanie, est) avaient suivi cette recommandation en instaurant, depuis 2016, des taxes sur ces produits. D’autres villes ont suivi le pas plus tard. Pour sauver leur business, les entreprises concernées ont entrepris de mettre sur le marché des produits à faible teneur en sucre, présentés comme meilleurs pour la santé. Des alternatives qui démontrent que ces entreprises avaient bien connaissance des méfaits de leurs produits…

Soumayya Atabi

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