Casa Marina Shopping Center: à la recherche de meilleures recettes

Annoncé pour avril prochain, le Casa Marina Shopping Center n’a jamais été aussi proche du jour J. Ce centre commercial vient compléter une offre de centres commerciaux déjà abondante sur le front de mer de Casablanca et aux activités bien similaires. Au risque de congestion en vue, s’ajoutent des interrogations sur la pérennité de ce business des malls.

Cette fois-ci sera-t-elle la bonne ? Il faut y croire, car la précision sur le mois d’ouverture est on ne peut plus révélatrice de l’état d’avancement du projet. Mais cette dernière annonce de la grande ouverture du Casa Marina Shopping Center n’est pas la première du genre. Il y a deux ans déjà, les promoteurs de ce mall annonçaient son ouverture pour début 2017. Deux années plus tard, les portes de ce mall restent toujours scellées. Signe que le secteur des malls continue de séduire des promoteurs malgré l’apparente redondance de son offre et la fragilité du modèle, Casa Marina Shopping Center s’est géographiquement positionné pas loin d’Anfa Place et du Morocco Mall, autres places du genre qui ont ouvert leurs portes avant lui, sur le front de mer. A l’origine de ce retard, une commercialisation qui a eu du mal à prendre son envol. «Casa Marina sera la troisième infrastructure installée sur l’axe côtier après le Morocco Mall et Anfa Place, à seulement quelques minutes en voiture des deux premiers.

Cela pourrait générer d’éventuelles difficultés de commercialisation», expliquait un spécialiste de l’immobilier commercial à un confrère. De plus, les principales marques européennes, américaines et marocaines étant déjà présentes dans ces malls et au Maroc, les nouveaux malls ne font qu’attirer les mêmes enseignes, créant des copies à proximité. La Marina qui voudra par exemple attirer l’enseigne de fastfood McDonald’s sera en concurrence directe avec l’implantation de celle-ci à la gare de Casa Port.

À l’image des cafeteria

Une congestion en vue donc, notamment sur le front de mer où l’on attend à quelques kilomètres de la Marina à un autre centre commercial, le Zenata Shopping Center ? Ou encore dans d’autres villes comme Rabat où le Morocco Mall avait décidé de répliquer son modèle casablancais (en moins grand évidemment) à côté du Green Mall dans la vallée du Bouregreg ? Si la proximité de ces malls suscite des interrogations et donne des raisons de penser à une cannibalisation inévitable, il n’en est pas de même pour tout le monde. Un consultant estimait d’ailleurs que la proximité est un facteur de succès. «Au Maroc, la densité commerciale est tellement faible que les problèmes liés à la proximité ne devraient pas tant se poser.

Les uns et les autres devraient plutôt en bénéficier, puisque le trafic sera augmenté». À l’image des cafeteria que l’on voit les unes à côté des autres, et tous faire leurs chiffres, certains pensent que le même modèle peut être reproduit dans le shopping. Possible? À condition bien évidemment que les malls qui se construisent aient chacun un positionnement différent. Et c’est là où se trouve le hic. D’ailleurs, les difficultés d’Anfa Place à trouver sa place dans ce mix n’auront échappé à personne. Racheté par la holding sud-africaine Mara Delta, ce dernier a dû mettre la main à la poche pour retravailler le positionnement de ce complexe qui avait déjà innové dans le concept en comptant aussi bien des commerces, des habitations que des hôtels. Montant de la somme remontée : 230 millions de dirhams pour réaménager le mall tout en chargeant la société AMS Morocco de l’adapter à sa cible de clientèle : les femmes de plus de 30 ans.

Repositionnement inévitable

Inveravante ayant senti le vent tourner a préféré se débarrasser de son projet pendant qu’il pouvait encore en tirer quelque chose. Au sujet de ce repositionnement, Bronwyn Anne Corbett, PDG du fonds d’investissement Mara Delta, déclarait à Medias24 début 2017 : «Nous avons acheté le centre auprès de son développeur dont le souci était de remplir le mall pour mieux le vendre sans se soucier de sa pérennité [indépendamment de la cohérence globale de l’achalandage, ndlr], ce qui présente quelques difficultés, d’autant plus que la règlementation ne permet pas de changer facilement les locataires». Ce mouvement d’ensemble du secteur vers une autre proposition de valeur, plutôt mass market et moyen gamme, se révèle être une lame de fond.

La frénésie des ouvertures en grande pompe avec des marques haut de gamme pour attirer de la clientèle n’a souvent attiré que des lèche-vitrines; elle est en train de céder la place à un positionnement «plus» en ligne avec le niveau du pouvoir d’achat du grand nombre. «Les centres commerciaux au Maroc avaient un mix produit plutôt haut de gamme. Cette tendance semble changer avec l’implantation d’enseignes mid/mass market telles que LC Waikiki, Defacto ou encore Tati», soulignait Tarik El Harraqui de CBRE Maroc. Forcés d’ajuster leur offre et d’abandonner leurs rêves de Dubaï du Maghreb pour Casablanca, les promoteurs de ces malls réussiront-ils pour autant à coexister à plusieurs dans un périmètre aussi restreint ? À voir le nombre de projets encore dans les tiroirs, on peut en déduire que ceux-ci le croient fort. Mais jusqu’à quand tiendra encore cet attelage ?

Soumayya Douieb

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Galeries Lafayette: emblème de l’échec d’un positionnement mal pensé?

Présentée par certains observateurs comme un « super coup » à l’annonce de sa présence dans le mall de toutes les «démesures», l’aventure des Galeries Lafayette s’est terminée en queue de poisson, avec le visage d’un fiasco retentissant. Rappelez-vous ! L’annonce de son retrait date à peine de 3 ans, quatre années après avoir tenté vaille que vaille de résister à une réalité des chiffres qui n’ont eu de cesse de chuter. Les Galeries Lafayette devaient être ce mastodonte qui servirait de locomotive pour le complexe. À cette époque, les quelques rares avis dissonants dans ce concert d’applaudissements et de félicitations rythmés n’avaient presque pas droit au chapitre. Et pourtant, certains experts avaient prédit, à quelques détails près, la fin de cette histoire. L’un d’entre eux déclarait, en 2009 déjà, que l’arrivée des Galeries Lafayette au sein du Morocco Mall était une erreur stratégique des patrons de ce complexe. « À elles seules, les Galeries Lafayette ont déjà à leur actif une multitude de marques. C’est ce qui réduira le nombre de franchises à ramener», avait-il avancé. L’enseigne française avait justifié cette décision de mettre la clé sous la porte par «un niveau d’activité pas suffisamment élevé ». Malgré le bon démarrage en trompe l’œil, les réalisations n’ont pas suivi les prévisions. Piquée au vif et se sentant indexée, Aksal avait à l’époque contre-attaqué sur deux fronts : modèle des Galeries Lafayette moribond et repositionnement du mall. Sur le premier, «le modèle économique des Galeries Lafayette bat de l’aile à travers le monde. Il consiste à gérer en propre plus de 300 corners, sans aucun appui de la maison mère», expliquait Zouhair Idrissi, directeur du mall à un hebdomadaire international. À un média électronique national, il avance : «la raison de ce choix était économique car le modèle n’était pas viable. Les Galeries Lafayette, c’est en fait un petit mall de 300 boutiques (10 à 30 m2) à l’intérieur d’un grand mall. Le système n’a pas marché, car quand vous prenez une franchise chez eux, vous devez gérer directement les 300 enseignes (négociation, réassort, logistique …). Ce n’était pas rentable, car nous n’avons pas assez de marques disponibles au Maroc, capables de payer des royalties pour intégrer les Galeries Lafayette ». Puis, le coût du repositionnement, de l’évolution stratégique. « Aksal, après avoir couvert le segment luxe, le segment premium, le moyen et l’entrée de gamme […] se lance dans le Mass Market. […] Cet élargissement stratégique implique le remplacement du magasin Galeries Lafayette », avait prétendu un communiqué. Mais en réalité, quel business mise gros pour ramener une grande enseigne de renommée internationale pour, quelques années plus tard, la prier de céder la place à des enseignes de mass market, comme Tati ?

D’ailleurs, en 2015 déjà, Prada et MiuMiu avaient aussi baissé le rideau. Loin d’être la seule donc à avoir plié bagage, les Galeries Lafayette ne sont que le visage d’un positionnement sur le luxe qui n’a finalement pas convaincu. D’abord parce que, pour question de pouvoir d’achat, tout le monde ne peut s’offrir certains plaisirs. Mais aussi parce que les « happy fews » visés ne trouvent pas la qualité de services à laquelle ils sont habitués lors de leurs virées shoppings à l’étranger. Ceux des spécialistes du secteur qui n’étaient guère convaincus par la taille et positionnement initial de ce centre commercial, les jugeant inadaptés au pouvoir d’achat des Marocains auraient certainement préféré avoir tort…

 

Mall ou la petite bulle silencieuse…

Morocco Mall, Casa Mall, Anfa Place, Marina de Casablanca, Al Mazar, Medina Mall, Carré Eden, Marrakech Plazza, … La fièvre des malls s’était emparée de nombre de groupes et les projets ont fleuri un peu partout. Et nombre d’entre eux n’ont jamais vu le jour non plus. Toutefois, les promoteurs de ces grands centres commerciaux de nouvelle génération avaient tous fait le pari de faire entrer le Maroc dans la société de consommation. Et en quelques années, ces centres commerciaux sont rentrés dans les mœurs. Et pourtant, le passage à vide a duré quelques longues années. Remontons le temps.

Au commencement était Alpha 55, l’audacieux centre commercial de 6 étages situé au quartier Mers Sultan, cœur vivant de Casablanca dans les années 70 et 80, qui voulait bousculer les mœurs. Ce centre arrive dans les années 80, gagne rapidement sa place et fait des émules. Des galeries commerciales sortiront de nulle part puis retourneront nulle part entre temps ; mais la formule Alpha 55 tient toujours, encore aujourd’hui. Avec le renchérissement du pouvoir d’achat des Marocains, et l’ouverture progressive sur les cultures étrangères notamment à travers les chaînes de télé internationale, les malls font leur entrée dans les cœurs. Le Mega Mall de Rabat sera le premier à initier le mouvement en 2005.

Avec 80 enseignes sur 3 étages, une piste de patinage, un bowling, etc., le concept prend et attire. Marrakech prendra la relève, en 2010, en inaugurant Al Mazar, projet lancé par Best Real Estate, société spécialisée dans l’immobilier commercial, appartenant au groupe Best Financière, propriétaire entre autres des enseignes de grande distribution Label’ Vie et Carrefour Market. Une année plus tard, c’est le géant Morocco Mall qui se lance en fanfare en présence de la chanteuse Jennifer Lopez. Ce dernier projet bat des records de gigantisme avec quelque 350 enseignes, des restaurants, un cinéma 3D, un aquarium, etc. Dès lors, l’engouement pour les malls reprend de plus belle : Borj Fès Mall et Socco Alto à Tanger par Best Real Estate, Anfaplace à Casablanca par Inveravante, Marina Casablanca par Actif Invest, … Et la liste n’est pas prête d’être bouclée.

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