Karim Nait Lhou: «Il faut ouvrir un large débat national»

Ce  n’est pas du tout un secret de polichinelle  que l’espace forestier subit une dégradation la plus totale, souligne Karim Nait Lhou, avocat et membre du Bureau politique du Parti du progrès et du socialisme (PPS).

En effet, la situation de l’espace forestier au Maroc interpelle nous tous, à plus d’un titre, en particulier le législateur qui est tenu, à plus que jamais, à élaborer un nouveau texte juridique plus innovant et plus contraignant en répondant à l’esprit de la loi et de la justice, assène le militant du Parti du Livre.

Un cadre juridique obsolète

Plaçant son intervention sous le thème : «Lecture dans les lois régissant l’exploitation forestière au Maroc», le conférencier a mis l’accent  le caractère obsolète du cadre juridique régissant l’organisation de l’espace forestier et qui date de l’ère du colonialisme.  Des lois qui donnent lieu à une grande  confusion et suscite l’ironie voire l’indignation, a-t-il déclaré avec insistance.

Outre la désuétude des textes de lois, le conférencier a soulevé la question du chevauchement des attributions vu la multiplicité des intervenants dans le secteur, à commencer par le ministère de l’agriculture, passant par  le Haut Commissariat aux Eaux et Forêts, le Secrétariat de l’Etat, … avec une nette domination du Haut-commissaire.

Pour le dirigeant du Parti du Livre, un véritable modèle de développement durable ne tiendrait pas la route si l’on ne prendrait pas en  considération les besoins d’environ 7,5 millions de Marocains qui vivaient auparavant  dans la forêt et en sa marge.

Le conférencier a rappelé dans sens que son parti s’est adressé au Chef du gouvernement lors de la législature précédente pour lui demandé des explications pour avoir donné le feu vert au Haut-commissariat afin de faire évacuer par « la force de loi» les familles vivant dans la forêts depuis les années quarante.

Abroger le dahir 10/10/1917

Pour Karim Nait Lhou, la gestion de l’espace forestier doit relever d’une décision politique voire du gouvernement et  des représentants de la nation censés légiférer dans ce domaine, regrettant que le Maroc ne dispose pas de lois modernes de la gestion forestière contrairement à plusieurs Etats du monde.

Argument à l’appui, l’expert juriste a indiqué que plusieurs pays dans le monde ont adopté un Code éthique ou ayant une nature plus coercitive dédié particulièrement à la forêt comme c’est le cas du Canada, de la Grèce, de la Russie ou encore de la France. Ces pays ont veillé à l’implication de la société civile pour faire face à la destruction de l’environnement.

En termes plus clairs, comment voulons-nous protéger la forêt alors qu’on a procédé à une évacuation forcée des milliers de familles, s’est interrogé l’intervenant.

Autrement dit, la résolution de la problématique «Forêt et Société» doit occuper la priorité de l’agenda des décideurs pour une gestion efficiente de ce secteur.

La solution consiste ainsi à ouvrir un large débat national pour  élaborer un Code de la  forêt qui va de pair avec les ambitions de la population, a-t-il noté en substance.

Pour ce faire, une abrogation des lois s’impose comme première priorité, a appelé le conférencier, tout en évoquant à titre exemple le Dahir de 10/10/1917 relatif à la conservation et à l’exploitation  des forets qui, d’ailleurs, constitue  une législation inconstitutionnelle et  qui terne fortement l’image du Maroc. Un texte archaïque mal rédigé et  qui parle des affaires indigènes et des autochtones  et fait encore référence au Code pénal français. Ce qui est totalement aberrant, fait observer l’intervenant.

«Nonobstant les correspondances adressées à qui de droit,  rien n’a pas été fait pour abroger ce texte juridique», a martelé le conférencier. Et d’ajouter« comment peut-on concevoir que le délai de prescription est de 6 mois pour quelqu’un qui a procédé à l’abattage clandestin d’un arbre pour le voler  alors qu’il s’agit d’un véritable crime, s’est interrogé  encore une fois le conférencier.

Encore pis ! Tout acte de la falsification du tampon de la direction des eaux et des forets ou d’un document est considéré par le Dahir  comme un délit  passible d’une peine allant de 6 mois à 2ans de prison, alors il s’agit d’un véritable crime qui devrait être lourdement sanctionné, a insisté Karim Nait Lhou, en concluant que l’établissement d’un nouveau modèle de développement passe ipso facto par un large dialogue national où tout le monde est appelé à y contribuer par ses propositions et recommandations.

Khalid Darfaf

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