Les secteurs tertiaires à la rescousse

La transformation structurelle, à savoir le passage des travailleurs d’un emploi à faible productivité à un emploi à haute productivité est souvent considéré comme étant indispensable à la croissance dans les pays à faibles revenu intermédiaire ou à faible revenu. Au Maroc, cette transformation de l’économie est loin d’être réussie.

Le secteur industriel ne semble plus être aussi bien placé pour jouer le rôle de passerelle entre les activités agricoles et celles tertiaires, constatent les économistes Abdelaaziz Ait Ali et Yassine Msafda, dans une recherche parrainée par Policy center for the new south (ex OCP Policy center). Les deux experts souhaitent, à travers leur étude, participer au débat sur le nouveau modèle de développement, en décortiquant la politique d’industrialisation du Maroc. D’après eux, l’économie marocaine  se tertiarise de manière prématurée, en faveur d’une réallocation de la force de travail agricole. Un phénomène qui les inquiète dans la mesure où cette transformation se fait, parfois, aux dépends du secteur manufacturier qui se rétrécit relativement à un stade de développement précoce.

Les deux experts de ce thinkthank montrent aussi comment une désindustrialisation prématurée peut handicaper une transformation réussie et ne pas atteindre les objectifs fixés en matière de création d’emploi. Les activités manufacturières connaissent une forte dynamique, surtout dans leurs composantes « mécanique, métallurgique et électrique », peut être liée aux politiques sectorielles adoptées par les décideurs qui misent énormément sur des industries automobiles et aéronautiques pour en faire une locomotive de croissance.

Cette composante s’oriente, ainsi, suivant simplement l’indicateur de productivité apparente de travail, vers des niches plus productives. Cependant, Le revers de la médaille est que ces activités ne sont pas aussi créatrices d’emploi. L’étude révèle que l’élasticité de l’emploi n’a pas dépassé les 50% sur la période 2009-2015. Dans ce, la croissance de la productivité est tirée par des facteurs autres que l’emploi, à savoir le facteur capital et/ou la productivité totale des facteurs. Ceci-dit, L’élasticité de l’emploi par rapport à l’évolution de la valeur ajoutée ressort négative, signifiant qu’une croissance de la valeur ajoutée, non seulement ne crée pas d’emploi, mais elle en détruit. Le secteur des BTP s’est positionné comme alternative au secteur manufacturier en tant que premier créateur d’emplois entre 2000 et 2010, d’autant plus qu’il jouit des mêmes caractéristiques que l’industrie textile et habillement, quant au niveau de qualification de la main d’œuvre requis. Mais, cela reste une solution temporaire, contraint par la dynamique du marché immobilier, de plus en plus sujet à un essoufflement.

Par contre, le secteur tertiaire affiche une bonne dynamique quant à sa capacité à générer de l’emploi et à améliorer sa productivité. En effet, ce sont les secteurs des télécommunications et des activités financières et des services rendus aux entreprises et services personnels qui ont le plus contribué à la progression de la composante intersectorielle de la productivité, même si l’accroissement de l’emploi dans ces secteurs n’est pas aussi élevé. L’effet a été amplifié par le niveau de productivité de ces secteurs qui représente 6 à 16 fois celui de l’économie marocaine, précise-t-on. Un employé dans le secteur des télécommunications en termes de productivité est équivalent à 16 employés dans l’économie du pays.

A l’exception des « services rendus aux entreprises et services personnels », ces secteurs ont réalisé parmi les meilleures performances sur le plan de l’évolution intersectorielle de la productivité. Cela montre qu’au-delà de nombreux faits historiques qui ont montré que le processus de transformation structurelle se concrétise à travers le passage du facteur travail de l’agriculture à l’industrie et, dans une deuxième étape, vers les services (décollage économique de l’Asie), dans certaines situations, notamment le cas du Maroc (et de nombreux pays en développement), la structure de l’emploi est altérée en faveur des services directement. Cependant, si on suit une logique mathématique, le gain économique en termes de création de richesse serait optimal si les employés se déplacent vers les secteurs à niveau de productivité plus élevé, dans ce cas le secteur tertiaire moderne. D’autant plus que les secteurs de services engrangent la part la plus importante de la valeur ajoutée domestique exportée, contrairement aux activités manufacturières, surtout les nouvelles activités d’automobile, d’électronique et d’aéronautique.

Hajar Benezha

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