Tourisme et hôtellerie: la formation 2.0 pour sortir des sentiers battus

Le tourisme est l’un des ferments de l’économie marocaine. 11,3 millions de touristes ont visité le Maroc entre janvier et novembre 2018. Un chiffre en progression de 8,4% par rapport à la même période, un an auparavant. Avec cette augmentation quantitative, la demande touristique met le cap sur la qualité. Ainsi, la modernisation des ressources humaines via la formation dans le secteur touristique s’impose pour répondre aux enjeux actuels.

Le tourisme est pour le Maroc la première source des recettes, bien devant les autres secteurs d’exploitation. Il met en jeu des investissements considérables, des capitaux inestimables, génère des revenus substantiels et crée des emplois importants. De même, il est la source indispensable des devises. Le secteur touristique occupe une place importante dans l’économie marocaine et est considéré comme un secteur stratégique pour accompagner le développement économique.

Dans un monde qui change de plus en plus vite, les voyages sont désormais plus courts, mais plus fréquents et mieux ciblés. Certains professionnels de l’hôtellerie et du tourisme ont parfois l’impression que leurs métiers ne sont pas perçus comme «modernes». Cette absence de modernité se ressent sur les salons des métiers de l’hôtellerie et du tourisme où l’argument «dans notre secteur, il n’y a pas de chômage» est généralement avancé. Pour remédier à ce problème, il est question d’améliorer et développer le système de formation pour satisfaire les besoins en compétences des entreprises et améliorer l’employabilité des travailleurs du secteur.

En effet, des besoins accrus en personnel qualifié, aux compétences très pointues, sont vivement ressentis au sein du secteur pour satisfaire une clientèle de plus en plus diversifiée et exigeante. Certains professionnels de l’hôtellerie et tourisme confient d’ailleurs qu’ils sont confrontés à plusieurs enjeux de formation,  compte tenu des évolutions du secteur et de la relation client.

Il faut reconnaitre que le système actuel de la formation professionnelle souffre de nombreux dysfonctionnements, notamment l’inadéquation entre la formation et les besoins réels des établissements touristiques et hôtelières, la hausse du taux d’affluence, avec un doublement et triplement des effectifs dans les établissements de formation professionnelle ces dernières années, malgré les résultats mitigés. A cela s’ajoutent un cumul et chevauchement des approches et procédés de formation et un manque d’harmonie, sans oublier la multiplication des filières sans coordination et correspondance entre les filières et les diplômes.

Bien plus, les formations souffrent d’un manque de réactualisation des connaissances scientifiques inhérentes aux nouvelles technologies. Généralement, les programmes visent juste à transmettre des savoir-faire techniques en totale rupture avec les réalités du monde professionnel et basées sur du copier-coller,  un manque d’innovation dans les méthodes d’enseignement et de formation fait défaut. Autant dire que seules les grandes chaines hôtelières dotées d’une capacité didactique colossale parviennent à éventer dans le cadre de «formations sur le tas», en créant leurs propres académies de formation.

Former aux nouveaux métiers du tourisme et hôtellerie

A proprement parler, les professionnels marocains du tourisme n’ont de cesse de lancer des signaux d’alarme pour sensibiliser les responsables, quant à la pénurie d’une main-d’œuvre spécialisée et hautement qualifiée. D’après Abderrahim Oummani, Président de la Fédération Nationale de l’Industrie hôtelière et vice Président du Groupe Continental Bay, «la formation des cadres hôteliers n’est pas adéquate avec la réalité du monde du travail de par la non implication des professionnels dans la sélection des candidats, l’élaboration des programmes, la formation alternée et la gestion des instituts de formation. Les associations professionnelles doivent être représentées dans les conseils de perfectionnement et conseils d’administration des instituts de formation».

Plusieurs formations ont consacré beaucoup de temps et d’énergie à apprendre à leurs stagiaires les bases du savoir-être : politesse, hygiène, ponctualité. Alors qu’il existe des modalités autres que ces compétences de base. La timidité et la peur du client sont des freins au développement d’un bon relationnel. Savoir maîtriser ses émotions, développer une gestuelle adaptée afin de se sentir plus à l’aise avec les clients figurent comme des axes de formation importants.

Les évolutions du secteur de l’hôtellerie de tourisme ont prouvé que les clients sont de plus en plus exigeants, ce qui nécessite de se  doter de nouvelles compétences et créer de nouveaux métiers.

Avec la venue d’une nouvelle clientèle internationale touristique (russe et asiatique), l’ouverture sur de nouveaux débouchés du tourisme tels que le tourisme vert, voyage aventure, séjours thématiques autour de l’Œnologie ou du cinéma, tourisme de proximité s’impose. De même, que le voyage d’affaires qui offre d’importants débouchés. Une évolution qui fait la part belle aux métiers du web marketing, billettiste, technicien en yieled management, maitre d’hôtel, gouvernante, assistante d’étage, boucher charcutier, lingère, alpiniste ou guide haut montagne, guide touristique, conciergerie d’hôtel, agent de réservation, concepteur de voyage, responsable spa, guide rural ou randonnée, conseiller en séjour et voyage, guide interprète,  responsable banquet, barman.

Ainsi, il devient impératif de répertorier tous les métiers qui existent et de renationaliser la création des postes pour qu’ils répondent aux véritables besoins de secteur touristique national.  La technologie mondiale progresse rapidement et impose de développer une culture numérique en termes d’assimilation et d’application. D’une part, il s’agit de savoir maîtriser les réseaux sociaux: animer les réseaux avec du contenu, traiter les commentaires des clients, gérer sa e-réputation… D’autre part, il s’agit de former à l’utilisation d’outils informatiques (logiciels de réservation, de réception, la GDS…).

D’autres qualités encore s’avèrent nécessaires pour le secteur touristique, notamment les langues étrangères. La venue d’une nouvelle clientèle internationale, notamment russe et asiatique, oblige les professionnels à s’adapter à leurs caractéristiques et codes culturels. Il faudrait trouver des solutions pédagogiques permettant de former le personnel à de meilleures capacités de communication et d’adaptation dans des situations impliquant des clientèles étrangères : des connaissances linguistiques et de la sensibilité aux différences interculturelles.

Nécessité d’une nouvelle approche pédagogique

Au-delà des questions de contenu d’apprentissage et de maîtrise des métiers, le secteur fait face à des enjeux de transmission et de pédagogie. Il faut faire évoluer les outils pédagogiques pour faciliter l’apprentissage, en intégrant les dimensions psychologiques et socioculturelles. Le statut du formateur devrait évoluer d’un savant à un intervenant ou accompagnateur à proximité. Il faudrait développer des approches centrées sur l’apprenant et des formations «clé en main», sans oublier d’augmenter la formation en réalité virtuelle.

En octobre dernier, SM le Roi avait présidé une séance de travail dédiée au secteur qui mettait en avant l’importance de la  mise à niveau de l’offre de formation professionnelle, la diversification et valorisation des métiers et la modernisation des méthodes pédagogiques. Dans cette optique, il devient urgent aujourd’hui pour l’Etat de repenser la gestion de l’offre de formation pour répondre convenablement aux besoins de la profession. De même, il serait souhaitable que les acteurs des différents projets du secteur travaillent en collaboration et se concertent régulièrement pour se doter d’un plan cohérent de développement de la formation en tourisme et hôtellerie.

Fatima Essairi (stagiaire)

Top