Abdallah Layachi: «Belal, l’intellectuel révolutionnaire exemplaire»

Notre regretté camarade Aziz Belal, en dépit de sa subite et tragique disparition, demeurera vivant parmi nous, restera, comme par le passé, présent dans nos luttes, continuant ainsi de servir son parti, le PPS, et la cause révolutionnaire pour laquelle ce parti a été créé, à condition, cependant, que nous prenions soin du dernier héritage, si riche, si fécond, qu’il nous lègue, que nous nous appliquions à enseigner les leçons de sa vie d’intellectuel révolutionnaire aux jeunes militants, que nous incitions ces derniers à suivre son exemple.

Beaucoup parmi ceux qui sont venus s’associer à notre douleur n’ont pas manqué de souligner l’immensité de la perte que représente, pour le pays tout entier, celle d’une telle valeur intellectuelle quasiment unique au Maroc, selon eux.

Un rayonnement dépassant nos frontières

Notre regretté camarade, dont le Maroc entier a ressenti douloureusement la mort, était, il est vrai, un intellectuel, un esprit universel, il était d’une compétence notoire dans sa spécialité, l’économie politique, au point d’en être devenu une autorité et une référence dont le rayonnement dépassait nos frontières. Il était aussi très versé dans de nombreux autres domaines du savoir et de la culture où il ne cessait d’étendre et d’approfondir ses connaissances, pas seulement par curiosité intellectuelle, mais aussi et surtout pour mieux appréhender ses taches d’universitaire multidimensionnel.

Mais, peut-on affirmer, pour autant, que c’était en la matière, un cas unique ? Nous ne le pensons pas. Notre Pays, heureusement dispose, sur le plan intellectuel pur, de nombreuses valeurs. Mieux, notre développement économique et social retardant sur notre formation intellectuelle, le Maroc n’est plus seulement exportateur de mains-d’œuvre ouvrières mais aussi de cerveaux. Cependant, quelque chose de très important distinguait notre Aziz. Il était, contrairement à certains de ses pairs, très nombreux hélas, d’intellectuels révolutionnaires engagés, celui qui mettait ses brillantes facultés et connaissances intellectuelles non pas pour favoriser ses intérêts personnels, mais pour servir la cause de sa patrie, celle des travailleurs et de son parti, le PPS, qui cristallise cette cause et combat pour son triomphe.

Les tentations matérielles méprisées

Ce qui distinguait Aziz Belal, c’est qu’il subordonnait tout, dans sa vie, lui qui s’y était donné dès l’âge de 19ans et auquel il est resté fidèlement attaché pendant 31-ans, c’est- à-dire, jusqu’à sa mort tragique. Fidèle à toute épreuve que rien n’a pu ébranler, ni les tempêtes politiques multiples, ni les tentations matérielles qu’il a toujours méprisées, ni les mirages des honneurs et des hautes fonctions.

De même, chez Aziz, l’engagement idéologique et politique n’était pas un simple bavardage ; l’ultra révolutionnaire est, pour lui, la parole devant toujours être l’action, la pensée et son application. La théorie ne pouvait avoir, pour lui de valeur que si celle-ci en démontre la justesse. Et dans sa réflexion et son analyse théorique, de même que dans son action politique qui en découlait, Aziz Belal se plaisait rigoureusement sur les positions de la classe ouvrière, industrielle et agricole, prenant en considération essentiellement, ses intérêts et aspirations. Cette démarche lui était dictée par la conviction que l’affranchissement total, politique, économique et social de cette classe ouvrière, est la condition de l’émancipation de la société, elle-même, d’où le rôle d’avant-garde qui lui revient historiquement de jouer à la tête  des autres masses populaires en vue de réaliser les transformations nationales et démocratiques auxquelles aspire notre peuple et d’aller vers le socialisme.

C’est cette précoce prise de conscience qui a amené Aziz Belal, il y a trente et un ans, à rejoindre les premiers révolutionnaires marocains qui militaient, depuis le début des années 40 au sein du Parti Communiste Marocain, convaincus qu’ils étaient de la nécessité historique de l’existence d’un tel parti en tant que courant indépendant au sein du mouvement national.

En effet, la classe ouvrière avait besoin, impérativement et en ce moment de son histoire, de disposer de son propre parti, un parti qui fonde son analyse et son action sur la base des principes du socialisme scientifique, sa doctrine de classe.

Il s’agissait d’un parti révolutionnaire et d’avant-garde qui combine la lutte pour les intérêts spécifiques des travailleurs et le combat pour la cause nationale, dans un processus où les deux formes d’action se complètent et se conditionnent.

Cette double action avait pour but essentiel d’amener la classe ouvrière à accéder simultanément à la conscience nationale et à la conscience de classe, donc de jouer un rôle d’avant-garde conscient dans la lutte pour l’indépendance et à faire en sorte que cette indépendance se réalisât conformément aux aspirations démocratiques du peuple.

Telle fut la vision clairvoyante qui a présidé la fondation, il y aura bientôt quarante ans, du parti de classe ouvrière, le Parti Communiste Marocain.

À l’époque, il n’était pas facile d’accéder à une telle prise de conscience, encore moins de la mettre en pratique.

L’unanimité nationale faite autour d’un mot d’ordre de l’indépendance obscurcissait la nature véritable de la lutte des classes dans une société ou c’était un adversaire étranger, le colonialisme, qui imposait son hégémonie sur l’ensemble de la vie politique, administrative, économique et sociale du pays.

Une fidélité sans faille

Au surplus, la bourgeoisie nationale qui avait la direction du mouvement nationale était non consciente de ses aspirations et intérêts  de classes futurs et de leur contradiction avec ceux de la classe ouvrière. Elle craignait donc, par-dessus tout, de voir cette classe ouvrière échapper à son hégémonie idéologique, politique et d’organisation. Elle craignait, en fin de compte, de la voir s’orienter vers son parti de classe, le PCM. Pour tenter d’empêcher cela, elle ne reculait devant aucun moyen pour combattre ce parti, dénaturant son idéologie et sa politique,  persécutant, moralement et même physiquement, ses dirigeants et ses militants.

Notre parti devait donc mener, dès sa naissance, un double combat, le combat pour son droit à l’existence dans le cadre du pluralisme idéologique, politique et d’organisation, et le combat pour l’union de toutes les forces progressistes et patriotiques. Cette ligne constitue, à ce jour encore, un aspect fondamental de la stratégie de notre parti, ligne que Aziz Belal, excellait dans son application: attachement inconditionnel à son parti, le PPS, et, en même temps, la main tendue pour le dialogue constructif, pour l’action unie sur les objectifs communs.

Tels sont brossés les grands traits, quelques-unes des caractéristiques essentielles qui faisaient de Aziz Belal l’intellectuel révolutionnaire exemplaire : fidèle à la cause de sa patrie et celle du peuple travailleur, attachement sans failles à son parti sous ses trois appellations successives, Parti Communiste Marocain, Parti de La Libération et du socialisme et Parti du Progrès et du Socialisme.

Suivre sa voie, pour les jeunes militants, est le meilleur moyen pour eux d’honorer sa mémoire.

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