Li Peng «le boucher de Tian An Men» n’est plus…

L’Agence de presse «Chine Nouvelle» a annoncé le décès, ce lundi 22 juillet 2019 à 15h 15 GMT, à l’âge de 90 ans et des «suites d’une maladie dont le traitement s’est révélé inefficace», de ce «fidèle soldat communiste» et «excellent membre du Parti» qu’était Li Peng qui fut Premier ministre de 1988 à 1998 avant d’accéder à la Présidence du Parlement chinois et, enfin, prendre sa retraite en 2003.

Né en 1928 dans la province du Sichuan dans le sud-ouest du pays, mais orphelin dès l’âge de trois ans quand son père, un révolutionnaire communiste, tomba sous les balles des nationalistes du Kuomintang, Li Peng a été recueilli et élevé par Chou En Laï, compagnon de route du Grand Timonier Mao Tsé Toung, fondateur de la République Populaire de Chine qu’il dirigea de 1949 jusqu’à sa mort le 9 Septembre 1976.

Partisan d’une ligne dure face à la contestation estudiantine, le nom de Li Peng restera, à jamais pour la communauté internationale, lié à la répression de la Place de Tian an men. Aux étudiants qui, au printemps de l’année 1989, réclamaient l’instauration de la démocratie, Li Peng passera à l’offensive en instaurant la loi martiale et envoyant, dans la nuit du 3 au 4 juin, les chars de l’armée chinoise mater la rébellion, avec l’aval du «petit timonier» «Deng Xiaoping» dira-t-il plus tard. Le bilan fut très lourd. Plusieurs centaines d’étudiants, voire même plusieurs milliers selon certaines sources, tombèrent cette nuit-là.

Mais même si en 1994 et lors d’une visite en Autriche, il avait répondu aux manifestants venus pour condamner son rôle dans la répression de Tian An Men, qu’il avait dépêché l’armée dans le seul but d’obliger les manifestants à libérer la place indûment occupée car «sans ces mesures, la Chine aurait été confrontée à une situation encore pire qu’en ex-URSS ou en Europe de l’Est» et que, dans un journal autobiographique publié en 2011 en édition pirate à Hong Kong, il avait essayé de se disculper en minimisant son rôle et en assurant n’avoir fait qu’exécuter les ordres de Deng Xiaoping, décédé en 1997, Li Peng restera, pour l’histoire et pour le monde entier «le boucher de Tian an men» pour son rôle central dans la répression du «printemps de Pékin».

Or, dans le discours officiel rapporté ce mardi par l’Agence Chine Nouvelle, le camarade Li Peng a été présenté comme ayant été un dirigeant hors-pair qui «au cours des troubles politiques du printemps et de l’été 1989 (…) a pris des mesures décisives pour arrêter le désordre et apaiser les troubles contre-révolutionnaires» car pour permettre au pays de continuer sa marche sur la voie du développement économique il fallait préserver l’ordre social ; étant entendu que c’est sous l’impulsion de Deng Xiaoping qu’en 1979 la Chine s’était ouverte au modernisme en adoptant le «socialisme de marché».

A l’annonce de la mort de Li Peng, Wang Dan, cet ancien leader du mouvement étudiant désormais exilé aux Etats-Unis, a écrit sur son compte Twitter : «Li Peng est, à la fois, le bourreau et l’exécuteur du massacre du 4 juin (…) Un nouveau verdict doit être prononcé et Li doit être tenu pour responsable même après sa mort». Wu’er Kaixi, un autre leader de la contestation estudiantine de 1989 se demandera, de son côté, si «le Ciel a été véritablement juste en laissant ce salaud coupable des crimes les plus atroces vivre jusqu’à 90 ans et mourir d’une mort naturelle ?».

Il reste sûr, enfin, que même si le gouvernement chinois va incontestablement lui tresser une couronne de lauriers et l’inclure dans la liste des «grands héros nationaux», Li Peng, en tant qu’artisan de la répression du Printemps de Pékin, n’échappera pas au jugement de l’Histoire. Alors attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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