Nabil Benabdallah invité de «L’info en face» sur lematin.ma

«C’est la place même du politique qui doit être repensée»

Le Secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS) a fait sa rentrée politique, en choisissant l’émission «L’info en face» diffusée sur le site Lematin.ma et animée par Rachid Hallaouy. Mohamed Nabil Benabdallah a répondu, tout au long de cet entretien de plus d’une heure, aux nombreuses questions qui lui ont été posées… Synthèse.

L’entretien a essentiellement porté sur le portage politique du changement, le remaniement ministériel, l’action du gouvernement El Otmani, le nouveau modèle de développement à mettre en place, la situation économique et la réforme fiscale, le texte adopté par l’Exécutif sur «l’enfance et l’Islam», la réforme de l’enseignement… etc.

Mais, c’est la question de la crédibilité de l’action politique au Maroc qui a eu la part du lion dans cet entretien.

Pour le leader du PPS, il y a «un problème  de portage politique du changement». Et pour cause, sur  les 10 dernières années, «le champ politique a été sérieusement bousculé. Ce qui a conduit à un affaiblissement des forces politiques».

C’est pourquoi il est nécessaire que «des femmes et des hommes soient capables politiquement de le porter, de le défendre» partout, a insisté Benabdallah, tout en affirmant que «sans cette capacité, aucun modèle de développement» n’est possible et ne pourra réussir.

Pour lui, «ce n’est pas le personnel politique qui est en jeu, mais c’est la place même du politique qui doit être repensée et revue pour mettre le politique au cœur de la conduite du changement».

Et depuis 2007, des actes négatifs se sont produits sur la scène nationale. «Une idée saugrenue a permis de créer une formation politique, je parle du PAM (NDLR : Parti de l’authenticité et de la modernité) pour écarter les autres partis. Ce fut une erreur et les faits ont démontré que cela a permis trois choses : le renforcement du PJD, le recul des forces politiques notamment celles de la Koutla démocratique et l’effritement du PAM.

A une question sur la prise par Akhannouch du rôle dévolu au PAM, Benabdallah a affirmé qu’«il n’y a pas l’émergence d’un mouvement en sa faveur et que le pays a besoin d’une véritable alternative démocratique». Une illustration est donnée sur certains médias publics qui, vont en besogne pour chaque dysfonctionnement et «pointent les partis politiques», alors que toutes les actions positives «sont pointées ailleurs»…

La véritable question est d’avoir une vision claire sur «le rôle des partis politiques, leur capacité à convaincre et à ouvrir leurs rangs aux compétences».

«Nous avons besoin d’un champ politique fort, autonome, qu’il faudra laisser tranquille, le laisser grandir et se mouvoir… et «avoir confiance en les forces politiques qui doivent avoir leurs propres choix et décisions».

Et quand la politique va mal, c’est le reste des domaines qui suit… car «la morosité est une question de perception». Surtout en l’absence de «capacités, de vision claire, et en étant en quelque sorte sur l’expectative et sur le où va-t-on, le champ économique devient frileux».

Et de constater que cette attitude a favorisé «une certaine soumission et un fatalisme, qui se sont installés en tant que dimensions culturelles, avec un retour au conservatisme et une régression de la politique».

Remaniement ministériel

Au sujet du remaniement ministériel attendu, Mohamed Nabil Benabdallah estime  que «le PPS est entrain de se préparer». Pour lui, «le remaniement est quelque part le couvercle, l’aspect apparent. Ce sera bien si cela pourrait donner de la vigueur… mais ce sera encore mieux si cela procède d’une volonté tous azimuts de refonder le politique, conformément à l’esprit de la Constitution de 2011, qui consacre le rôle des partis politiques, des institutions…  et de la bonne gouvernance». Cela doit consacrer un programme politique  et une majorité issue démocratiquement des urnes».

Il s’agit, ajoute le leader progressiste, de «faire en sorte que le champ politique marocain puisse remplir pleinement ses prérogatives».

Le remaniement ministériel «doit amener de la fraicheur, certes et une certaine césure pour recadrer l’action « du gouvernement». Mais, selon le SG du PPS, «le plus important est que le portage politique pour le changement s’accompagne d’une vision globale». Car «si les mêmes politiques sont suivies, le changement de têtes «ne sera pas salvateur».

Ce qui est important, pour le PPS, est de connaitre «le projet politique, en premier, ensuite la place du PPS dans ledit projet».

Et de revendiquer «une place suffisamment importante pour impacter le changement, en son et voix… loin de tout strapontin… pour un parti de conviction, d’idées et de changement…»
«Nous attendrons avec optimisme les propositions qui seront faites», avec le souhait qu’elles soient correctes.

Pour le dirigeant du PPS, «le gouvernement doit accompagner le remaniement ministériel, par des idées fortes, en faisant des priorités sur un certain nombre de dossiers, en prenant des initiatives politiques, pour éviter l’inertie politique».

L’action du gouvernement

S’agissant de l’action gouvernementale actuelle, Benabdallah a affirmé qu’«un travail est accompli mais qu’il n’est pas apparent et qu’il n’y a pas de cohérence».

«Ce gouvernement a souffert énormément de tiraillements… et de la volonté d’aller chercher des poux chez tel ou tel parti…» au lieu de « porter des idées et des propositions pour donner de la quintessence au changement politique, économique et social».

Ce qui manque, selon lui, c’est «le débat politique, d’aller vers les citoyennes et les citoyens pour expliquer et convaincre, meubler et remplir l’espace, par des discours et des actions concrètes».

Sur la question de la fiscalité, MNB a salué les efforts fournis cette année, avec les Assises, et défendu «une fiscalité juste et équitable, qui jouit de la transparence nécessaire, avec des voix de recours claires et la création d’une instance qui gère les litiges en cette manière».

D’ailleurs, «la prochaine loi de finances doit être appropriée par les partis politiques de la majorité afin d’en débattre les choix des grandes actions et des détails».

Pour ce qui est du texte de loi adopté dernièrement par le Conseil de gouvernement sur l’«Enfance et l’Islam», Benabdallah a estimé qu’il s’agit d’un «texte datant de 2005 qui représente un engagement du Maroc. Sauf que ce texte est en régression par rapport à la première mouture. Pour lui, il n’y a pas le feu, si l’on a attendu 14 ans… car le texte devrait être soumis à un débat, notamment au sein du CNDH. Car il s’agit de questions sensibles», avant de conclure qu’il s’agit d’«une bévue» à laquelle le PJD est étranger.

Il fallait donc que ce texte fasse l’objet d’un débat au sein des partis politiques et d’écoute des experts en la matière». Il a déploré «les combats d’arrière-garde qui se développent».

Au sujet des crues que le sud marocain a connues et le drame de Taroudant, Benabdallah a estimé qu’il est urgent «d’établir une carte des risques climatiques et des constructions non réglementaires» de sorte à « assurer le déplacement des populations et des équipements  des lits des oueds».

En ce qui concerne la question de la réforme de l’enseignement, l’orateur a estimé indispensable «d’assurer les moyens financiers» pour que l’enseignement puisse finalement redémarrer en recourant «aux meilleurs qui puissent enseigner, à des ressources humaines compétentes à l’intérieur du pays et, s’il le faut, les chercher ailleurs».

A ce sujet, il a rappelé que «les pays dits des dragons ont d’abord réussi à résoudre les problèmes liés à l’éducation et à appliquer une bonne politique éducative, en vainquant d’abord l’analphabétisme».

L’entretien avec le Secrétaire général du PPS sera conclu par un appel aux citoyennes et citoyens pour  «voter et bien voter». Car, «le fait de ne pas voter veut dire que l’on consacre l’existant et que l’on reste en marge du changement voulu et espéré». Et «lorsque l’on vote pour des gens honnêtes, l’on encourage les forces du changement» à mieux se positionner et à avoir une certaine force pour faire changer les choses.

Aujourd’hui, «les partis politiques doivent assumer leurs responsabilités et annoncer, avant les futures échéances électorales, leurs alliances». Et à une question sur l’éventualité d’une alliance avec le Parti de l’Istiqlal, Benabdallah a affirmé qu’«il s’agit d’un parti crédible pour le PPS».

Mohamed Khalil

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