«Les artistes palestiniens œuvrent à travers des plateformes professionnelles pour faire entendre la voix de la Palestine»


Propos recueillis par Mohamed Nait Youssef

Rania Elias est directrice du centre cultuel  Yabous dans la zone occupée de Jérusalem. Son nom est attaché également aux figures dirigeantes de la rénovation du Cinéma Al-Quds. En effet Yabous est  aujourd’hui  le plus grand centre culturel de Jérusalem. Rania Elias est directrice depuis 1998 du festival annuel de Jérusalem Centre Yabous. Le visa for music lui a rendu hommage lors de l’ouverture. Entretien.

Al Bayane: Vous  êtes la directrice du centre Yabous à Jérusalem occupée. En fait lors d’une conférence organisée en marge du festival vous avez évoqué  les difficultés de mobilité des artistes palestiniens en particulier et arabes en général. Pourrez-vous en dire plus ? Comment évoluez-vous l’état  de santé de la culture et des arts en Palestine, notamment en ces moments difficiles?

Rania Elias: Comme vous le savez, la situation de Jérusalem en particulier est tout à fait différente  des autres villes parce qu’elle est sous l’occupation. Alors les difficultés auxquelles nous faisons face sont énormes par rapport aux difficultés des autres villes et festivals mondiaux vu la situation politique. Nous faisons face à plusieurs entraves en organisant le festival de Jérusalem. Tout d’abord, la difficulté de faire venir l’artiste palestinien. Ce dernier rencontre souvent  plusieurs entraves pour y accéder afin de présenter un spectacle  parce que l’artiste qui  se trouve à  Gaza a du mal à venir, la même chose pour les artistes qui  se trouvent à Ramallah, Nablus ou en encore Jénine.

Ces artistes là ne peuvent pas venir à Jérusalem sans autorisation de l’occupation  israélienne. Autrement dit,  c’est un problème majeur pour nous et pour l’artiste palestinien.

Les autres artistes qui viennent d’ailleurs rencontrent-ils les mêmes difficultés?

Oui, il y a un autre problème, c’est celui  des frontières. C’est-à-dire que l’artiste arabe ne peut  pas aussi venir en Palestine facilement. Aujourd’hui, malgré l’amour et l’estime que nous portons aux arts et aux artistes arabes, nous n’aimerions pas que l’artiste arabe vienne en Palestine occupée. Nous aimerions que l’artiste arabe vienne quand la Palestine sera libre et libérée, parce qu’il  y a une exploitation de la part de l’occupation de chaque artiste arabe  qui rentre en Palestine sous l’autorisation des autorités de l’occupation. Pour ce qui est les artistes internationaux, il y a ceux qui ont peur de venir, et si jamais ils viennent, ils rencontrent des difficultés au niveau des autorisations  et des visas livrés  pour les artistes étrangers.

Justement, les intervenants ont parlé de cette difficulté de mobilité et de déplacement dans plusieurs pays du monde. Quid de la Palestine qui vit un contexte très  pacotilleur, celui  de l’occupation ?  Les artistes palestiniens peuvent-ils se déplacer facilement en dehors des frontières?

C’est un problème de la liberté de dépassement et de la mobilité qui  touche tous les artistes du monde. En outre, les artistes arabes rencontrent souvent des difficultés relatives au sujet des visas surtout en Palestine à cause de l’occupation. Ces difficultés ont un impact immédiat sur le programme du festival que nous organisons. En outre, la diversité, la richesse de la programmation et la présence seront très limitées. A cela s’ajoute l’entrave du financement. Dans nos conditions, la priorité  de l’aide de l’Etat va essentiellement  au soutien des secteurs de la santé, de la construction des bâtiments démolis et d’autres domaines. On voit ici la culture comme divertissement, chose qui n’est pas juste, parce que pour nous, l’identité nationale palestinienne est très importante. Et la culture nous permettra de s’ouvrir sur le monde et faire entendre la voix de notre peuple à travers la culture et les arts. Dans notre festival,  nous essayons aussi de présenter le mieux des autres cultures du monde sur scène du festival du Jérusalem, parce que cet événement, une fenêtre ouverte sur le monde.

Le visa for music vous a rendu  hommage  lors de son ouverture. Comment ce genre de plateformes professionnelles peuvent-ils faire entendre la voix du peuple palestinien?

Je suis ici comme membre de jury ayant pour tâche la sélection des différents groupes qui participent.  Un hommage m’a été également  rendu lors de l’ouverture de cette édition. En fait, plusieurs artistes palestiniens participent à ce type de salons, plateformes professionnels  et festivals internationaux. Ils essayent malgré toutes les conditions  à créer une dynamique culturelle et artistique. On a des centres culturels, des conservatoires de la musique et de la danse. En Palestine,  le niveau de la musique est très avancé. Nos artistes sont professionnels, ils font de la musique universelle. Ils œuvrent  à  travers ses plateformes  pour le rayonnement de la voix de la Palestine et son peuple.  C’est très important,  parce qu’il y a une vie, une continuité, une culture, des arts et surtout de  notre identité qui sont véhiculés à travers toutes ces initiatives organisées à travers le monde. La présence de nos artistes sur les scènes internationales est un signal non négligeable.

Que pensez-vous de certains artistes, notamment arabes qui normalisent avec l’occupation  sous le prétexte de l’art?

En tant  que professionnels du métier, nous refusons, dénonçons toutes formes de normalisation. Nous appelons les artistes arabes de respecter nos revendications, de refuser la normalisation. 38 innocents ont été tués à Gaza la semaine dernière. L’occupation est toujours présente, et nous réfutons chaque type d’occupation.

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