Pouvoir d’achat: le conflit entre la théorie et le ressenti

Nous apprenons, à fin 2019, que le pouvoir d’achat des ménages marocains s’est légèrement amélioré à 0,4% dans un contexte de maîtrise de l’inflation, selon le Haut-Commissariat au Plan (HCP). Pourtant, le ressenti général est celui d’une stagnation voire d’une crise du pouvoir d’achat. Pourquoi ? La réponse n’est pas aussi simple que la question!

« Suite, à une augmentation de 1,8% des prix à la consommation en 2018, le pouvoir d’achat des ménages s’est situé à 0,4 point », indique le HCP dans sa note d’information relative aux comptes nationaux des secteurs institutionnels de l’année 2018. Ce qui fait ressortir clairement une amélioration du pouvoir d’achat moyen. Toutefois, les ménages marocains peinent toujours de l’incapacité de financer leurs dépenses, leurs investissements sans recourir au crédit, dans un contexte où les prix ont augmenté. C’est l’éternel conflit entre les chiffres macro-économiques d’un côté et les situations et expériences individuelles « malheureuses » de l’autre.

Ce décalage entre la réalité et le ressenti, pourrait s’expliquer par plusieurs raisons. La première est celle du degré de redistribution entre classes sociales. Soyons clair la notion de cherté dépend du mode de vie de chacun. Une famille marocaine modeste n’aura pas le même rythme de vie qu’une famille fortunée.

Aussi, les différences sur le cout de la vie varieront également selon la ville et la région où l’on s’installe au Maroc : Tanger, Rabat, Casablanca, Marrakech ou Agadir sont devenus de très grandes métropoles où le cout de la vie augmente d’année en année. Par ailleurs, des professions libérales (ex : médecins, notaires, traiteurs, chanteurs…) ont davantage profité de l’émergence de nouveaux « riches » que les employés de banques ou les pharmaciens.

Une autre raison est celle de la logique humaine de comparaison. En effet, un consommateur qui a acheté un smartphone low-cost aura toujours un ressenti envers ceux qui ont un iPhone ou un Galaxy. Idem, celui qui conduit une motocyclette ou une voiture d’occasion, va estimer qu’il a un pouvoir d’achat en régression si son voisin ou son ami, s’est offert une berline. Un tel ressentiment existe par exemple dans plusieurs anciens pays communistes où des pauvres estiment que leur situation s’est aggravée même si dans les faits, le pouvoir d’achat et d’équipement, s’est nettement amélioré.

Enfin, l’émergence des réseaux sociaux comme moyen de communication a aggravé le sentiment du mécontentement par rapport au pouvoir d’achat, le cout de la vie et la qualité des services chez les ménages marocains. En effet, le buzz qui est relayé est souvent celui du train qui n’arrive pas à l’heure. Ainsi, souvent, seules les idées négatives sont relayées par les réseaux sociaux et les médias avec les qualificatifs bien connus comme celui de scandale ou celui de dangereux.

Kaoutar Khennach

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