Aviation d’affaires, Jet Privé: Le business reprend?

Depuis le début de l’année, Swissport et Jetex, concessionnaires des terminaux d’aviation d’affaires, ont annoncé tour à tour et respectivement, l’inauguration de leur salon VIP à Marrakech.  Après quelques années de vaches maigres, les affaires semblent reprendre depuis 2 ans. Et l’ONDA met les petits plats dans les grands.

Il y a eu les années folles de l’aviation d’affaires au Maroc, et puis les années grises…

«Du lancement d’Alfa Air, en 2007, jusqu’en 2014, l’activité n’a cessé de croître, parfois de 60 % en un an. Mais, depuis 2015, l’horizon s’est obscurci», affirmait Chakib Lahrichi, CEO d’Alpha Air dans l’une de ses déclarations en 2016. On pourrait même étendre le démarrage de ces «années glorieuses» aux débuts des années 2000. Aujourd’hui, après une contraction du marché, on parle d’un taux de croissance qui avoisine les 10%, et on veut voir dans la nouvelle stratégie de l’ONDA, qui n’est pas si nouvelle puisqu’elle date de 2015, une volonté de donner un réel coup de pouce pour que le Maroc puisse pleinement tirer profit de son potentiel.

Quoiqu’il en soit, l’inauguration début février des terminaux VIP de Jetex et Swissport à Marrakech, qui réalise plus du tiers des passagers et des mouvements d’avions dans ce type d’aviation, donne une nouvelle visibilité, voire dimension, à l’aviation d’affaires au Maroc.

Réalisé sur une superficie totale de 3.000 m2, ce nouveau terminal à l’aéroport Marrakech-Menara, est organisé en trois espaces : le premier édifié par Jetex sur une superficie de 2.500 m2 pour un investissement de 35 millions de dirhams; le second construit par Swissport Executive Aviation Maroc, s’étend lui sur 525 m2 environ pour un investissement de 7,5 millions de dirhams.

Pour rappel, et pour garantir le développement du segment de l’aviation d’affaires, l’ONDA a concédé des services au sol dédiés, selon le concept Fixed Base Operator «FBO», à Jetex au niveau des aéroports de Casablanca, Marrakech, Rabat, Agadir et Dakhla. Et à Swissport Executive aux aéroports de Casablanca, Marrakech, Rabat et Tanger.

Combien ça coûte

Notre pays aujourd’hui compte à peine plus d’une trentaine d’appareil de type jets privés, entre appareils acquis par nos grands patrons et ceux mis en services par les quelques compagnies existantes, à savoir moins de 5 compagnies (Alpha air, Air Océan, Dalia Air, Sarahairways, Heliconia Aero Solutions).

Dans les années 2000, le Maroc a connu la présence d’une dizaine de sociétés de transport aérien privé, dont les fameuses Anfa Jet et Médi Business Jet. Seulement, elles n’ont pas toutes survécu à l’investissement aérien, par nature très handicapant. Car, pour être rentable, un avion doit voler au moins 5 ans, tout en effectuant un minimum de 600 à 700 heures de vol par an. En plus de son acquisition, qui peut facilement atteindre 5 millions d’euros pour les plus petits modèles, d’autres dépenses fixes sont à prévoir.

Selon des experts, en fin d’année la facture globale s’élève au minimum à 6 millions de dirhams. Entre respect du calendrier des visites techniques et de la maintenance, même si l’avion reste cloué au sol, et l’emploi obligatoire d’un pilote qu’il faut rémunérer, même s’il n’effectue aucun décollage, sans oublier évidemment l’approvisionnement en kérosène, la facture grimpe très vite. Et le moins que l’on puisse que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas donné à tout le monde, même aux plus nantis des grands patrons.

D’ailleurs, le nombre de passagers en aviation d’affaires enregistré par l’ONDA sur les 8 aéroports du pays (Casablanca, Marrakech, Agadir, Rabat, Tanger, Fès, Laayoune et Dakhla) n’a toujours pas retrouvé son niveau de 2013 : 43.732 en 2018, 40000 en 2017,  42.408  en 2016 contre presque 52 000 en 2013 ! Toutefois, le secteur montre ici et là des signes de relance. En 2018, l’aviation d’affaires a enregistré l’arrivée d’un nouvel entrant du nom de Sarah Airways. Créé en janvier 2018 et entrée en service huit mois plus tard, Sarah Airways se positionne sur le marché du transport aérien, notamment sur les segments du transport VIP et les évacuations sanitaires, en plein développement.

A fin avril 2019, la compagnie revendiquait plus de 50% de la demande locale, avec une flotte composée de deux avions en exploitation (Citation III et IV), pour une moyenne variant entre 60 et 70 heures de vol/mois. L’investissement global, qui dépasse les 40 millions de DH, sera rapidement triplé sur les 4 prochaines années selon son fondateur Khalid Serghat, PDG de Sarah Airways. Aussi en mai dernier, la direction de l’Air a homologué un nouveau jet privé qui a atterri sur le sol national, plus précisément à Tanger. Il appartiendrait à un important groupe privé casablancais dont l’identité précise n’est pas connue. La particularité de cet appareil est sa grandeur, et son prix. Un avion de 12 places flambant neuf et qui a coûté à son heureux acquéreur 25 millions de dollars. Ses frais d’exploitation et d’entretien à eux seuls dépasseraient le million de dollars par an. Rien que ça !

Une stratégie volontariste

Lors de la troisième édition du Salon de L’aviation d’affaires « MEBAA Show Morocco 2019″ tenue en septembre dernier à Marrakech, les responsables de l’ONDA n’ont eu de cesse de rappeler que «le Maroc à lui seul représente environ 50% de l’activité des jets d’affaires en Afrique du Nord». Les responsables de l’ONDA ont également insisté sur la position de l’aviation d’affaires au Maroc qui «jouit d’un fort potentiel de développement». C’est pourquoi l’Onda a souhaité que tous les aéroports accueillant la clientèle d’aviation d’affaires soient dotés d’une installation indépendante des terminaux commerciaux, comme ce qui est déjà le cas à Casablanca et désormais à Marrakech.

D’où les contrats de concession attribués par l’administration à Jetex et Swissport pour la gestion des terminaux d’affaires dévolus à l’aviation privée. Après la rénovation du le FBO (Fixed-base operator-opérateur de services aéroportuaires) de l’aéroport Mohammed V de Casablanca, qui est totalement indépendant du terminal commercial, pour offrir les conditions optimales pour le traitement des passagers de l’aviation d’affaires dans les meilleurs standards de confort et de qualité de service (parking privatif, parking d’avions à proximité du salon, des formalités de voyage très rapide, un espace totalement dédié à l’équipage pour le dépôt du plan de vol, la consultation météo …), il y a eu donc la construction d’un deuxième FBO de l’aéroport de Marrakech et son inauguration il y a quelques jours.

Pour l’émirati Jetex, l’un des leaders mondiaux des jets privés basé à Dubaï, Marrakech constitue le deuxième plus grand « Fixed Base Operator » (FBO) de Jetex à travers le monde, après celui de Dubaï.

Concernant Swissport Executive Aviation Maroc (structure en charge des prestations de handling destinées à l’aviation d’affaires au sein des aéroports de Casablanca, Marrakech, Rabat et Tanger), Marrakech est considéré comme le plus grand FBO du réseau Swissport à travers le monde.

En tous cas, les deux concessionnaires se sont engagés à réaliser les investissements nécessaires en infrastructures et équipements, à même de permettre le traitement de la clientèle de l’aviation d’affaires dans les meilleurs standards internationaux de qualité et de confort. L’aviation d’affaires comprend le transport des personnalités et particuliers (jet privé), les charters de luxe mais aussi les avions pour les évacuations sanitaires. Un segment des plus lucratifs. D’où ce plan ambitieux de l’ONDA qui comprend la requalification du site aéroportuaire de Tit Mellil pour en faire un aéroport spécialisé pour l’aviation d’affaires. Prévu pour 2025, le projet sera réalisé en partenariat public-privé. L’ONDA est à la recherche de partenaires pour lancer le projet dont les plans sont finalisés. Les investisseurs internationaux sont invités à s’engager à hauteur de 40 millions de dollars pour son développement, en contrepartie d’un engagement de 20 millions de dollars du gouvernement. Espérons que l’appel soit entendu!

Soumayya Douieb

Chiffre

195 MDH

C’est le chiffre d’affaires estimé du marché local du transport VIP à la demande, des évacuations sanitaires et du cargo light

Réglementation de l’aviation d’affaires

L’aviation d’affaires constitue la branche du transport aérien consacrée au transport de passagers à la demande, organisée par des entreprises ou des particuliers utilisant les avions comme outil de travail (activité aérienne non commerciale) ou par des sociétés dites de « taxi aérien» (activité aérienne commerciale).

L’Aviation d’Affaires assure des déplacements rapides pour les dirigeants et les responsables de sociétés. Elle réduit énormément les contraintes liées aux horaires, aux correspondances et aux délais d’enregistrement. Les passagers dans un avion d’affaires font partie de la même équipe de travail ou de la même famille et les équipages sont des employés de confiance. Les procédures de contrôle sont plus rapides et les formalités d’embarquement sont presque inexistantes. Les temps d’attentes sont réduits au strict nécessaire.

L’avantage du jet privé repose sur un gain considérable de temps et de productivité.

Au Maroc, l’activité d’aviation d’affaires est régie par les textes réglementaires ci-après:

–  Le Décret n° 2.61.161 du 07 safar 1382 (10 juillet 1962) portant réglementation de l’Aéronautique Civile, notamment son article 122;

–  L’Arrêté du Ministre du Transport et de la Marine Marchande n° 544-00 du 2 novembre 2000 fixant les conditions relatives à l’obtention de l’autorisation d’exploitation des services de transport public et de travail aérien tel qu’il a été modifié par l’arrêté du 31 mai 2002; 


–  Cahier des charges fixant les conditions d’octroi d’autorisation d’exploitation des services aériens de transport public réguliers et non réguliers.

Toute entreprise désirant obtenir une autorisation d’exploitation des services aériens de transport public à la demande (taxis aériens), doit fournir à la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) un dossier comportant les informations et documents suivants : 


*Volet administratif et financier (Nom ou raison sociale de l’entreprise (personne physique ou société); 
 Siège social (pour les sociétés); 
Extrait d’inscription au registre de commerce; Copie certifiée conforme des statuts pour les sociétés;  Etude de faisabilité du projet; Business plan pour les quatre prochaines années d’exploitation; Objet des services du transport aérien; Fiche sur les aéronefs prévus : Types et nombre d’appareils, année de leur construction, performance du matériel volant ; Copie de la police d’assurance couvrant leur responsabilité civile en cas d’accident, notamment à l’égard des passagers, des bagages, du fret, du courrier et des tiers, conformément à la réglementation en vigueur (art. 206 et art. 210 du décret n° 2.61.161 susvisé);  Garanties financières).

*Volet technique. L’entreprise doit satisfaire un certain nombre de conditions techniques pour l’obtention du certificat technique d’exploitation (CTE). La délivrance de l’autorisation d’exploitation est subordonnée à la détention d’un CTE en cours de validité. L’autorisation n’est pas limitée dans le temps et reste valable tant que la société satisfait aux conditions réglementaires requises.

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