Zalar Holding: Une nouvelle décennie entamée au pas de charge

Le groupe agroalimentaire marocain a le vent en poupe. Entre revue de l’organigramme et afflux de financement pour soutenir ses projets, le leader marocain du secteur avicole affirme au démarrage de cette nouvelle décennie de fortes ambitions. Le groupe qui entend renforcer son leadership sur le marché lorgne le développement de nouvelles filières et la création de centaines d’emplois autour de ses activités.

Zalar Holding semble être née sous la bonne étoile. Si trouver des financements peut constituer un chemin de croix pour certaines entreprises, les sources de financement ne tarissent jamais lorsque c’est Zalar Holding qui en demande. Emprunts obligataires, ouverture du capital, financement par des institutions internationales : quelle que soit la formule avancée, le groupe fondé par la famille Chaouni Benabdallah réussit toujours à rassembler le nécessaire pour ses projets. Derniers en date, deux financements à quelques jours d’intervalle de la SFI et de la BEI. Le premier, accordé par la Société Financière Internationale (Groupe Banque mondiale), avait été annoncé depuis novembre dernier comme étant à l’étude auprès des experts de la Banque mondiale. Approuvé en début d’année, ce financement de 231,7 millions de dirhams (24 millions de dollars) est destiné la filiale Zalar Agri. Cette dernière est spécialisée dans la production et la commercialisation de fruits et légumes.

Ce financement a pour objectif de permettre à Zalar Agri de « diversifier ses cultures, d’améliorer son process de transformation et de renforcer ses exportations ». Le second est un financement accordé cette fois-ci par la Banque européenne d’investissement. L’accord signé en décembre prévoit un soutien financier à hauteur de 266 millions de dirhams (25 millions d’euros) pour Zalar Holding. Il permettra, selon les parties, de renforcer l’intégration verticale du groupe avicole avec un double objectif : performance et compétitivité. En ligne de mire, l’agrandissement des installations de stockage des céréales (activité de négoce), la construction de fermes de reproducteurs, l’extension des capacités des couvoirs, la construction de fermes d’élevage, la modernisation de certaines fermes existantes.

Confiance intacte malgré une rentabilité en chute

Ces financements de la SFI et de la BEI entrent dans le cadre d’un plan stratégique d’investissement qui annonce l’entame d’une nouvelle phase de développement. Au total, Zalar Holding compte investir 730 millions de dirhams (69 millions d’euros) pour accélérer sa croissance. À terme, ce programme d’investissement permettra la création d’au moins 1662 emplois dont 448 emplois directs et 1214 emplois indirects. Preuve d’une confiance inébranlée des investisseurs et bailleurs de fonds en ce groupe, l’annonce de ces financements s’est accompagnée quelques jours plus tard d’un léger remaniement dans le top management de la holding. Ali Berbich qui en assurait la direction générale depuis 2013 a été nommé Président du Conseil d’Administration. Il est remplacé à ce poste par Siham Benhamane, un élément de la maison.

Ces changements effectués dans la continuité constituent-ils la garantie qui rassure les bailleurs de fonds ? Dans tous les cas, il faut croire que les récentes chutes en matière de rentabilité ne refroidissent pas leurs ardeurs. En effet, à fin juin 2019, Zalar Holding avait enregistré un résultat net part du groupe en baisse de 29%, s’établissant à 36,2 millions de dirhams (52 millions en juin 2018). Et ce, malgré un chiffre d’affaires en hausse de 12% à plus de 2,8 milliards de dirhams. Cette baisse de rentabilité serait le fait de l’accroissement de la dette nette de la holding, passant de 72 millions de dirhams en 2018 à 200 millions de dirhams à juin 2019. Et avec les nouveaux financements, on peut encore s’attendre à ce que la rentabilité de la holding chute davantage, dans le très court terme. Mais les investisseurs parient sur le moyen et long terme, et la reprise suite aux retours sur investissement devrait rapidement permettre de rattraper le coup.

Une success story marocaine sous les radars

Cette résilience et la confiance que Zalar Holding inspire auprès des investisseurs forment sa success story. Le groupe, peu réputé pour s’ouvrir facilement à la presse, ne fait généralement des sorties que pour annoncer du financement. Mais, dans cette discrétion qui la caractérise, la holding des Chaouni est une success story dont les fondateurs n’en sont pas peu fiers. Ce leader du secteur avicole qui a misé sur une intégration verticale qui couvre toutes les activités de la chaîne de valeur, du négoce à la distribution de ses produits, avance dans l’ombre du grand rival Koutoubia. Créée en 1974 à travers une des toutes premières usines de nutrition animale du pays, Zalar Holding, qui emploie quelque 2400 personnes pour un chiffre d’affaires 2018 de 5,6 milliards de dirhams, a atteint cette envergure aussi bien à travers une croissance organique qu’une croissance externe. Rapidement, vers la fin des années 70, l’ex-Zalagh Holding crée Couvnord, une société de couvoir pour la production de poussins.

Intentionnellement (ou peut-être pas), la holding venait d’entamer son processus d’intégration verticale. Plus tard, c’est le pôle négoce qui verra le jour pour gérer l’importation, le négoce et le stockage des aliments pour poussins. Il faut noter que cette activité servira en partie des clients externes qui ne manqueront pas de s’approvisionner auprès de Zalar Holding. Tout en développant ses activités et cherchant à imposer une marque dans l’esprit du Marocain, Zalar Holding a continué à se structurer afin de mieux maîtriser sa chaîne de valeur.

À cet effet, le groupe Zalar Holding prendra forme avec pour objectif de concentrer la branche industrielle des fondateurs du groupe. Dans cette course à l’intégration, et en plus d’une évolution interne des activités, Zalar Holding va acquérir des acteurs sur le marché. C’est le cas de Eldin et de Banchereau Maroc qui produisent de la charcuterie sous la marque “ Dindy “.

Mais la première opération d’envergure qui va dessiner les formes actuelles du groupe aura lieu en 2009. Il s’agit la fusion de Zalagh Holding avec le Groupe Al Atlas pour « donne naissance au Groupe Atlas Zalagh Holding ou Atzal ». Cette fusion permettra de regrouper l’ensemble des activités de la filière avicole sous le même chapeau, à Fès et à Casablanca. Le processus est bouclé deux années plus tard lorsque les détenteurs du Groupe Al Atlas cèdent leurs parts et cèdent le contrôle total Atzal aux Chaouni. Le groupe reprendra à la suite de ce départ son nom d’origine, Zalagh Holding.

Les investisseurs étrangers crédibilisent les choix du groupe

Le tournant décisif qui va marquer une institutionnalisation du groupe intervient en 2013 lorsque la Société Financière Internationale intègre le tour de table de la société en acquérant 17,9% des actions. La SFI posera sur la table quelque 24 millions de dollars pour gagner son ticket d’entrée dans le capital de Zalar Holding. Cette entrée de la filiale de la Banque mondiale dans le tour de table de l’entreprise a coïncidé avec le lancement d’un projet d’investissement de 350 millions de dirhams. Ce partenariat constituera une première participation directe de la structure mondiale dans une entreprise privée agroalimentaire marocaine.

En novembre 2014, Zalar Holding récidive, mais cette fois-ci en lançant un emprunt obligataire de 350 millions de dirhams accompagné d’un placement privé de 125 millions de dirhams auprès de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). Là, encore Zalar Holding réalise en premier un placement privé sous forme obligataire sur le marché financier national. À peine 8 mois plus tard, le groupe marocain accueillera un deuxième investisseur international dans son tour de table. Il s’agira cette fois-ci de Seaboard Corporation, un conglomérat industriel américain spécialisé dans le secteur de l’agroalimentaire, du négoce, de la minoterie et du transport maritime. Celui-ci récupère près de 12% du capital de Zalagh Holding contre une mise de 176 millions de dirhams. Puis, 3 années plus tard, Zalar Holding fera une autre place parmi les actionnaires à un groupe japonais, le Groupe Mitsui & Co.

Celui-ci est spécialiste du trading de matières premières et aura déboursé quelque 260 millions de dirhams (25 millions de dollars) pour s’asseoir à cette table des actionnaires. Entre temps, et pour coller à ses ambitions internationales, Zalagh Holding a dû revoir son orthographe pour en faciliter la prononciation partout. Le «gh» à la fin de Zalagh a laissé la place à un «r». Et ce changement a été accompagné d’un nouveau logo. Dans la foulée, et dans la même année, le groupe a entamé son expansion sur le continent africain à travers la création de ZalarAfrica pour ses activités en Afrique subsaharienne. Quelques mois plus tard, cette filiale créait Zalar Sénégal puis accueille, en 2018, les Grands Moulins de Dakar au sein de son capital.

Avec les nouveaux financements reçus en ce début 2020, Zalar Holding semble parer pour accélérer son développement aussi bien au Maroc qu’à l’international. La success story n’a fini de s’écrire.

Soumayya Douieb

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