Ambiance ramadanesque, les Marrakchis tentent au mieux l’adaptation

Entre impératif de confinement et souci de mieux vivre

Par: Samir LOTFY ( MAP)

Avec l’avènement du mois sacré du Ramadan, dans une circonstance assez particulière marquée, cette année, par la propagation du Covid- 19, le souci des familles marrakchies se montre double, les poussant à tenter au mieux l’adaptation dans la quête d’un équilibre entre l’impératif d’observer scrupuleusement le confinement sanitaire et le souci de mieux vivre une ambiance ramadanesque pourtant, tant attendue.

Au sein des ménages, toutes catégories confondues, la mobilisation a été de taille depuis l’approche du mois béni car, malgré cette conjoncture exceptionnelle que traverse le Maroc, les Marrakchis connus par leur attachement infaillible aux traditions héritées des aïeux, tentent de s’adapter au mieux. Un effort considérable, surtout qu’on a l’habitude de tout préparer à l’avance et de ne rien laisser au hasard pour que le Ramadan soit accueilli dans une ambiance conviviale et dans un climat de piété et de spiritualité inouïes.

Sauf que cette année et c’est l’avis de tous, quoi qu’on fasse, le Ramadan à Marrakech comme d’ailleurs, à travers les différentes villes et zones du Royaume s’annonce « exceptionnel » à plus d’un égard, en raison du confinement obligatoire décrété comme mesure indispensable pour se prémunir contre le coronavirus mais aussi, d’une distanciation sociale rendant impossible les rencontres et retrouvailles entre membres de la grande famille, comme tout comme la promiscuité s’opère, en toute spontanéité, au sein des mosquées, ou dans les marchés.

A commencer par les prières surérogatoires (Taraouih) que chaque famille, faute de pouvoir s’orienter vers les mosquées fermées pour la circonstance, s’organise, chaque soir, pour les accomplir collectivement dans un coin bien aménagé de la maison. Occasion également d’initier les plus petits à cette pratique cultuelle et de leur montrer ses bienfaits sur l’équilibre psychologique et émotionnel de l’individu.

Pour les férus des longues marches et ballades nocturnes, ou encore des rencontres dans les espaces verts et les terrasses des cafés, ce plaisir relève, désormais, des beaux souvenirs jusqu’à nouvel ordre.

A l’exception de quelque jours où le climat se faisait inclément en ce mois sacré, les familles marrakchies n’hésitent guère à investir, après la rupture du jeûne, les terrasses des maisons et les balcons des appartements autour d’un café ou d’un thé mentholé et des friandises marocaine, le temps de prendre un « bol d’air » et de casser un peu, la monotonie et le stress qui pourraient s’installer à cause d’un long confinement, tandis que d’autres préfèrent se rassembler derrière leurs petits écrans, le temps d’apprécier une bonne grille de programmation riche et variée.

Pourtant, cette crise sanitaire que traverse le Royaume n’a nullement réduit à néant l’optimisme et l’enthousiasme qui atteignent leur paroxysme chez les Marrakchis, grands et petits, qui aspirent que la pandémie du Covid-19 puisse disparaître dans les plus brefs délais, pour que la vie puisse reprendre son cours normal.

De même, les « Bahjawa » estiment que Ramadan, mois de piété et de recueillement, offre cette année l’occasion à tout un chacun de rester à côté de sa famille pour des moments de partage et de communion, si rares en temps normal à cause des tracasseries de la vie et de l’addiction aux TIC et réseaux sociaux qui, physiquement, ont opéré un éloignement désastreux entre individus.

Une telle joie d’accueillir le mois béni si visible dès qu’il s’agit de se ravitailler et renflouer ses stocks de nourriture dans les maisons pour éviter les sorties et déplacement inutiles en cette circonstance exceptionnelle du Covid- 19. Tout en se conformant aux mesures et directives de l’état d’urgence sanitaire, plusieurs familles se sont mieux organisées, notamment dans l’ancienne médina, en déléguant les courses nécessaires à faire, à des proches voire même des personnes qui se sont portées « volontaires ».

Sur la liste des achats figurent : féculents, fruits secs, farines et les autres produits de première nécessité, car chez les familles traditionnelles marrakchies, la préparation de mets et de pâtisserie (chebakiya, briouates, mkherka…) et autres spécialités est une partie intégrante du quotidien mouvementé des femmes au foyer durant le Ramadan. Celles-ci, veillent scrupuleusement, à ce que la table du Ftour (rupture du jeune) soit « garnie », « colorée » que « variée ».

Tout en s’attardant au moindre détail pour que leurs cuisines ne manquent de rien, ces femmes traditionnelles demeurent antipathiques à l’idée même qu’on leur apporte de la nourriture ou des plats préparés à l’extérieur de la maison.

Chez les familles nécessiteuses et vulnérables, les gestes de solidarité et d’entraide ne manquent pas. Au coeur de la Médina, on veille au mois de Ramadan à faire revivre une tradition ancestrale à savoir : le partage de nourriture et des délices. Une tradition visible même en cette période de confinement où, on veille à acheminer nourritures et mets avant la rupture du jeûne.

Un peu loin, dans les quartiers huppés et les coins modernes de la cité ocre, à l’exception d’une affluence remarquable au niveau des boulangeries et des pâtisserie à partir de 16h, comme au niveau des grandes surfaces et points de vente agrées, chez les familles aisées, le ravitaillement en présentiel a cédé place aux commandes via le Net, pour des livraisons à domicile ou auprès de certains traiteurs et femmes- pâtissières qui, pour le plaisir des mordus des saveurs et goûts raffinés, préfèrent travailler chez elles.

Confinement et Ramadan c’est aussi, un changement en profondeur dans les habitudes des familles et des individus à Marrakech en vue d’afficher une grande capacité d’adaptation.

Approché par la MAP, Abdelaziz Elhiz, habitant à M’hamid Lakdim, a mis en avant le rituels et traditions ancestraux de la cité ocre en ce mois sacré, notant qu’en dépit de cette conjoncture exceptionnelle due à la pandémie du nouveau coronavirus, chaque famille marrakchie tente de mieux s’adapter, selon ses moyens, pour préserver ce legs.

« Nos tables sont garnies de tous les mets, et nous veillons scrupuleusement à passer Ramadan dans une ambiance imprégnée de piété et de spiritualité », a-t-il dit, notant que le coronavirus malgré sa dangerosité, a, au moins offert l’opportunité à tout un chacun de vivre le rapprochement avec sa famille et ses proches.

Tout en regrettant la suspension des prières dans les mosquées, M. Elhiz a fait part de la prise de conscience des Marrakchis de la sensibilité de la circonstance et partant, de la priorité de préserver la sécurité sanitaire des citoyens, louant au passage l’ensemble des mesures préventives et proactives adoptées au Maroc, lesquelles ont permis d’épargner au Royaume une véritable catastrophe pandémique.

De son côté, Mohamed Ait Lemtaii, acteur associatif de la cité ocre, a mis en avant la pertinence des mesures proactives et préventives pour préserver la sécurité sanitaire des citoyens, prises sur Hautes Instructions de Sa Majesté le Roi Mohammed VI et qui ont été vivement saluées à l’échelle internationale, notant qu’au sein des familles Marrakchies on note un effort d’adaptation et de cohabitation avec ce « nouveau venu indésirable » qui est le Covid-19.

« On assiste en cette circonstance exceptionnelle, à une exploitation maximale du temps au sein des familles et on essaye de mener une vie normale chez soi, à travers une ambiance saine instaurée et l’encouragement des enfants à s’adapter avec cette situation notamment, en suivant, avec assiduité et engouement, leurs cours à distance et en se perfectionnant dans la maîtrise rationnelle des NTIC », a-t-il dit.

« En ce temps du coronavirus, les foyers se sont transformés en espace de débats, d’échange et de partage autour de questions d’actualité, mais aussi de rapprochement familial, de travail ménager collectif », a poursuivi M. Aït Lemtaii, mettant en avant l’importance de l’internet qui a beaucoup facilité la tâche pour les citoyens citant dans ce sens, la disponibilité des journaux en format PDF.

Les Marrakchis ont su donner un exemple éloquent de la citoyenneté effective et de cet esprit élevé de civisme en réussissant, en peu de temps, à trouver cet équilibre, à l’apparence difficile, entre l’impératif de se confiner chez soi et ce désir de vivre l’ambiance et le charme de Ramadan comme il se doit, s’est-il félicité, estimant que le confinement a permis de renforcer cette sociabilité qui caractérise d’office les habitants de cette cité millénaire et symbole du Maroc authentique.

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