«Il faut numériser le processus de commercialisation du secteur de bétail»

Abderrahmane Majdoubi, président de l’ANOC

Al Bayane : comment expliquez-vous la crise que traverse le  secteur de bétail?

Abderrahmane Majdoubi, président de l’Association nationale des éleveurs ovins et caprins (ANOC) estime qu’outre le facteur de la sécheresse,  la crise qui sévit dans le secteur du bétail s’explique par une baisse significative de la demande. Et de souligner que la rumeur de l’annulation de la fête du sacrifice a fait le «bonheur» des  « chenaka » qui abusent de la situation.  Pour lui, une éventuelle annulation  serait  une véritable cata  pour les éleveurs qui sont toujours dans l’expectative…

Abderrahmane Majdoubi : la crise s’explique par plusieurs  variables, notamment la sécheresse qui a frappé  les zones arides et semi-arides où il y a une grande concentration de l’activité de l’élevage.

Il faut dire que l’insuffisance des précipitations a eu un impact négatif sur la qualité du pâturage.  Devant une telle situation et faute de fourrage,  l’éleveur se voit contraint à épuiser son propre capital en vendant une partie du cheptel pour qu’il puisse assurer son activité et assouvir les besoins de sa famille. Heureusement qu’il y a la subvention de l’Etat  qui consiste à distribuer 2,5 millions de quintaux d’orge. Un sac de l’orge est vendu à 170 DH au lieu de 230 DH, soit presque 100DH de différence par rapport au prix du marché.

Pouvez-vous nous expliquer plus?

Il est tout à fait probable qu’un éleveur qui dispose d’un troupeau d’ovin d’une valeur de 40 millions centimes pourrait voir sa petite fortune se réduire de trois quart en fin de saison et ce en raison de la pénurie des ressources fourragères naturelles. En termes plus clairs, il se trouve contraint à vendre à bas prix, surtout lorsqu’on sait que la demande a connu une baisse significative due essentiellement aux mesures imposées dans le cadre du confinement sanitaire. En fait, le marasme du marché du bétail a fait que des éleveurs sont de plus en plus assujettis à la volonté des intermédiaires et les chevillards, motivés par l’appât du gain. Comment expliquer qu’on achète le kilo de la viande de l’ovin à 40DH le kilo et l’on vend à 75 DH dans certaines boucheries. Je trouve que cela va à l’encontre de l’éthique du profit.

Quelles sont les autres facteurs qui expliquent le marasme du secteur?

Depuis le déclenchement de la crise, on a constaté un certain changement de mode de consommation des ménages, orientés de plus en plus vers les légumineuses. Dans certains abattoirs, on a enregistré une baisse de production s’élevant à 30%.  Ce qui constitue un indicateur sur la réalité du secteur.  Et ce n’est pas tout, la suspension d’un grand nombre d’activités dans le secteur (restauration, événementielles)  et faute d’acheteurs à cause de la fermeture des marchés, les éleveurs sont devenus victimes des chevillards qui imposent le prix qui leur convient.  Il faut aussi dire que la rumeur de l’annulation de la fête du sacrifice a fait le bonheur des  « chenaka » qui  abusent de la situation.  Le cas échéant, serait catastrophique pour les éleveurs qui sont toujours dans l’expectative.

Selon-vous, comment doit-on procéder pour soulager les éleveurs?

Je dois souligner que la fermeture des marchés se fait lorsque le cheptel est affecté par une maladie, telle la fièvre aphteuse ou la a clavelée. Il s’agit d’une mesure normale dont l’objectif consiste à protéger le cheptel sauf que dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, il aurait été préférable à réfléchir à des mesures d’accompagnement pour alléger la souffrance des éleveurs.  Comme par exemple l’organisation  d’un marché hebdomadaire, une fois par semaine, dans une région du Royaume tout en prenant les mesure de précautions nécessaires ou encore mettre en place des plateformes électroniques facilitant l’opération de l’achat.

K.D

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