Le calvaire de se rendre chez le médecin en ce temps de confinement

Se rendre chez le médecin, en cette période de  confinement et de privation de la population d’une grande partie de ses libertés de déplacement, de va et vient, d’aller se faire soigner, de faire des achats entre autres «pour lutter contre la pandémie du coronavirus» n’est plus une chose aisée.Bien au contraire, le risque de vivre un clavaire est fort présent.

Pour se rendre de Sala Al Jadida, au quartier Hassane à Rabat, un trajet qui ne nécessite pas plus qu’une demi-heure en temps normal, il a fallu lundi dernier passer par différents barrages dont un à la sortie de la cité royale et un autre à l’entrée de la ville de Rabat où les automobilistes devaient montrer leur carte d’identité nationale pour qu’elle soit photographié. Après avoir répondu à toutes les questions sur le but de la sortie de chez soi, pour aller voir en urgence un médecin, on nous a autorisés à poursuivre notre route. Plus d’une heure d’attente dans un bouchon de camions, de voitures légères et bien d’autres.

Deux ou trois kilomètres plus loin, c’est au tour d’un autre barrage, où deux jeunes agents vraisemblablement fatigués nous ont demandés les papiers.

Moins de deux kilomètres encore plus loin, un autre barrage, où il nous a été signifié par un geste de  continuer de rouler.

Non ce n’est pas fini, un autre barrage nous a arrêtés. On nous a encore demandé la carte d’identité nationale et le but de la sortie. Après quoi, il nous a été demandé de rouler.

Mais ce qui est paradoxal, c’est que toutes ces mesures, légales soient-elles, par la force du confinement lié à l’état d’urgence sanitaire, contrastent avec le relâchement, ou le déconfinement « forcé et prématuré », selon l’expression d’un confrère, de plus en plus pratiqué dans les quartiers et les ruelles populaires.

Dans les marchés «populaires» de la cité de Sala Al Jadida, on n’a pas l’impression que les gens ont «peur» de quelque chose. Sans masques ou bavettes ramassés la plupart du temps sous le menton, nombreux sont les hommes et les femmes de différents âges qui vendent ou achètent des produits de consommation, des fruits et légumes. Au marché du poisson, la bousculade ne cesse qu’à l’approche de l’entrée en vigueur du couvre-feu nocturne (18h00-05h00).

Autrement dit, ces contrôles auxquels les automobilistes sont soumis ne sont pas proportionnels aux risques qu’ils encourent en sortant pour une nécessité impérieuse. Ils ne revêtent pas la même dangerosité que le comportement de ceux qui se promènent, en se déconfinant, dans les jardins publics et les marchés populaires.

Si les autorités publiques ont été saluées au départ pour avoir pris en temps opportun les mesures proactives et préventives qu’il faut pour endiguer la pandémie, elles ne doivent pas en profiter pour grignoter davantage, pour restreindre encore plus le domaine des libertés publiques et individuelles.

Le confinement n’est pas le résultat direct de Covid-19, mais la réponse que le gouvernement a pu donner pour parer à l’impréparation du service public de santé devant cette crise sanitaire. Cette impréparation est la cause indéniable de la faillite du système de santé national et de son incapacité de subvenir aux besoins de la situation.

Après presque deux mois de confinement, très couteux aux libertés publiques et individuelles, il est temps pour les autorités publiques de se préoccuper plutôt de rendre aux gens le plus vite possible leurs libertés fondamentales au lieu de se focaliser sur la traçabilité des allers et venues et de l’état de santé des citoyens, comme annoncé récemment.

Dans sa dernière interview sur la chaine Al Oula, le chef du gouvernement avait essayé de faire comprendre aux citoyens que si le gouvernement estime qu’ils se comportent mal: s’ils osent jouir des libertés publiques dont ils sont privés, ils n’y aura pas de déconfinement.

De telles menaces inspirent un sentiment de doute et de peur. Alors que pour réussir le déconfinement, c’est la confiance qu’il faut inspirer comme au début de cette bataille nationale d’envergure contre cet ennemi invisible qu’est le coronavirus et non pas la psychose.

M’Barek Tafsi

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