Enseignement français au Maroc: La crédibilité de «la mission» à rude épreuve

Avec plus de vingt établissements, le Maroc est le pays qui abrite l’un des réseaux les plus denses au monde de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE). Ce que l’on appelle communément «la mission», jusque-là enseignement prestigieux, est aujourd’hui au cœur des polémiques, des crises et des protestations des parents, ce qui menace sérieusement l’attractivité des écoles françaises au Maroc.

Cette crise s’est aggravée durant cette période de pandémie du nouveau coronavirus Covid-19 qui a été à l’origine de la fermeture des écoles, de plusieurs autres chamboulements dans le processus d’apprentissage et du travail, de la perte des emplois et des dégâts dans le secteur économique.

Lors de ce douloureux virage pandémique, les écoles françaises au Maroc,qui ont opté, à l’instar des autres établissements de l’enseignement public et privé, pour la formule de l’enseignement à distance, ont exigé la totalité des frais du troisième trimestre. Pour ce faire, ces écoles ont fait savoir aux parents que l’enseignement à distance n’est pas un enseignement de substitution ou de révision mais bien «la poursuite des apprentissages sous d’autres formes».

L’implication des parents, reconvertis, malgré eux et avec leurs propres moyens, en enseignants pour accompagner leurs chérubins, n’a pas été prise en compte par les responsables des écoles françaises au Maroc. Bien plus, cette formule de maintien de contact pédagogique a été facturée à la place de l’ensemble des services pédagogiques et des cours théoriques et pratiques ainsi que d’autres accompagnements et activités parascolaires. Ce qui saute à l’œil nu c’est que les écoles françaises ont trouvé des reformulations à cette formule d’enseignement à distance pour justifier les frais demandés aux parents.

Dans une notre qui leur a été adressée, l’école souligne que «dès le début de la crise du Covid-19, l’ensemble des personnels de l’établissement se sont mobilisés pour mettre en place un dispositif de continuité pédagogique permettant la poursuite des enseignements». Et d’appeler les parents à passer à la caisse. Quel que soit le niveau et quelle que soit la nature du contrat qui lie les parents à l’école pour la prise en charge de l’enfant, les responsables des écoles françaises ont exigé la totalité des frais du troisième trimestre.

Cas de force majeure pour l’école, mais aussi pour les parents

A ce propos, des juristes soulignent que le contrat ne serait pas honoré du côté de l’école et du coup les parents ne sont pas obligés de s’acquitter des frais d’un service non rendu par l’autre partie. Dans ce sillage, la question de «cas de force majeure», brandie dans ce cadre pour faire croire aux parents que cette interprétation du contrat ne tient pas, est aussi évoquée du côté des parents, dont certains ont perdu une partie ou la totalité de leur salaire. C’est dire que cette question de «cas de force majeure» s’applique sur les deux parties.

Car, la force majeure désigne un événement à la fois imprévu, insurmontable et indépendant de la volonté d’une personne. Juridiquement, la force majeure est susceptible de dégager une personne de sa responsabilité ou de la délier de ses engagements contractuels. Elle peut être reconnue aussi bien en matière contractuelle qu’en matière délictuelle (c’est-à-dire avec ou sans contrat). Ce qui est pratiquement le cas des parents ayant perdu une partie ou la totalité de leur salaire à cause de cette crise pandémique du Covid-19 et qui se sont retrouvés dans l’impossibilité de payer les mêmes frais de l’école.

De même, sans perdre d’emploi, les parents se sont retrouvés dans l’obligation d’accompagner leurs enfants en se reconvertissant en enseignants et en effectuant des transformations dans leur demeure pour adapter des chambres à des salles de cours permettant au chérubin de rester en contact avec ses professeurs. Tous ces sacrifices consentis par les parents n’ont pas été pris en compte par les écoles qui exigent la totalité des frais du troisième trimestre.

Colère des parents…collaboration altérée

Cette attitude a provoqué la colère des parents qui sont montés au créneau pour protester contre ces mesures jugées inappropriées. C’est le cas du collectif indépendant des parents d’élèves qui s’est instauré suite à la crise sanitaire générée par la pandémie du COVID 19 et qui compte des centaines de parents d’élèves scolarisés au sein des établissements,  Lycée Français International Louis-Massignon –Casablanca, Lycée Français International André Malraux –Rabat, Lycée Français International –Agadir, Lycée Français International Le Détroit –Tanger, Lycée Français International Jean Charcot -El Jadida, Lycée Français International Alphonse Daudet –Casablanca, Groupe Scolaire Jacques-Majorelle – Marrakech, Ecole OSUI Paul Pascon–Laâyoune, Ecole OSUI Odette du Puigaudeau–Dakhla et le Groupe Scolaire OSUI Eric Tabarly– Esssaouira. Ce collectif souligne dans une lettre adressée au directeur Général MLF et OSUI que «les établissements de l’OSUI ne peuvent donc plus rendre aux élèves le service stipulé dans le contrat qui les lie aux parents.

Un service payé par trimestre et qui prévoit qu’on accueille l’élève dans l’établissement pour un certain nombre d’heures par semaine afin de fournir la totalité de l’enseignement. Ce contrat, du faitde l’état de force majeure et jusqu’à la reprise d’une activité normale, n’est donc plus rempli de la part des dits établissements».

Demande de réduction de 50% des frais

ont toujours fait preuve d’une grande solidarité envers l’établissement, en assumant ces dernières années de larges augmentations de frais de scolarité pour financer entre autres les investissements du réseau OSUI».

Et pour que la solidarité ayant ponctué la communauté reste complète et réciproque, le collectif demande la mise en œuvre des mesures économiques suivantes : «Réduction de 50% des frais de scolarité du troisième trimestre (2019/2020) pour l’ensemble des familles valable pour les futurs trimestres en cas de deuxième vague de confinement. Suppression des augmentations des frais de scolarité pour les cinq prochaines années; les parents et familles ne seront pas en mesure d’honorer des engagements supplémentaires, au vu de la crise économique annoncée;

Acquisition d’une solution de travail collaboratif et d’un enseignement à distance en parfaite adéquation avec les attentes des parents». La balle est maintenant dans le camp des responsables des écoles françaises au Maroc. Quoi qu’il en soit les relations entre les parents et ses écoles ne sont plus au beau fixe. Le facteur confiance serait ainsi altéré. Rappelons que pour l’année scolaire 2019-2020, les Français ne payaient «que» 14.000 dirhams en droits de première inscription contre 20.000 dirhams pour les Marocains et 23.000 dirhams pour les étrangers d’autres nationalités.

B.Amenzou

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