«De la nécessité d’ouvrir le grand chantier de la digitalisation de la culture!»

Hicham Daoudi, propriétaire de la CMOOA

Mohamed Nait Youssef

Au Maroc, la crise sanitaire a mis à genoux le marché de l’art ainsi que la profession dans son ensemble. En effet, des galeries ont baissé leurs rideaux, des expositions ont été annulées, des projets artistiques ont été bloqués ou reportés et de nombreux artistes ont été profondément fragilisés par la pandémie et l’arrêt de leurs activités  après plus de trois mois de confinement.

«En fait, il faudrait compter les trois mois de confinement plus l’été et sans oublier la reprise. Localement, le marché de l’art est très impacté parce que les galeries n’ont pas pu faire leurs expositions, elles n’ont pas pu accueillir les gens. Pis encore, la transaction via l’internet est très difficile», nous explique Hicham Daoudi, propriétaire de la maison de ventes aux enchères CMOOA.

Quant à la situation des jeunes artistes, il n’y avait pas de contact social pour qu’ils puissent communiquer sur leurs travaux, a-t-il ajouté.

«La scène contemporaine et les artistes d’aujourd’hui ont été touchés par la crise. Il faut avouer, le secteur des arts n’est uniquement l’axe de Casablanca-Rabat, c’est  aussi Agadir, Tiznit, Essaouira et d’autres villes où les «petits» artistes qui travaillent avec les étrangers dont les activités sont à l’arrêt ont été également impactés plus que les autres, parce que certains artistes dans les grandes villes ont pu travailler de temps à autre», a-t-il affirmé.

Des pertes de 80% du chiffre d’affaires!

Si on prend l’année depuis décembre jusqu’à juillet de cette année et décembre jusqu’à juillet de l’année dernière, tout le monde doit être à moins de 80% du chiffre d’affaires de l’année dernière, a fait savoir Hicham Daoudi.

Et d’aouter: «L’impact de la crise est énorme. Je ne sais pas, est-ce que l’aide de la Fondation Nationale des Musées (FNM) a commencé à avoir un impact ou pas. Car, pour l’instant, tous les artistes sont dans le besoin. Bref, c’est une situation qui est difficile».

Au-delà des frontières, l’art marocain a le vent en poupe

En pleine pandémie liée à la covid-19, des œuvres d’artistes marocains entre autres Mohamed Melehi, Farid Belkahia ont battu les records aux enchères sous d’autres cieux. Quel est alors le secret d’un tel succès ? Explications.

 Pour le président de la CMOOA, le monde des ventes aux enchères n’est pas celui des galeries. «Nous avons organisé une vente aux enchères le 27 juin dans laquelle l’artiste marocaine Chaïbia Talal a battu les records », a-t-il souligné.

Selon lui toujours, il y a des musées qui achètent les œuvres et les grandes collections étrangères. «Même en pleine crise, ces musées et collecteurs n’oublient pas l’art. Au Maroc, c’est le contraire», a-t-il révélé.

Les ventes aux enchères qui ont des œuvres importantes dans le monde ont continué à fonctionner à travers des images et des documents qui s’envoient et qui s’échangent. Toutefois, ce n’était pas le cas, des galeries avaient besoin du contact avec le client qui venait voir et discuter, a-t-il expliqué.

Des pistes pour la relance du secteur…

Afin d’atténuer l’impact socioéconomique de la pandémie sur les secteurs des arts et de la culture, le Ministère de la tutelle a lancé un programme de soutien dédié aux acteurs culturels des secteurs de l’art et du livre.

Par ailleurs, Hicham Daoudi estime qu’il faut se poser la question sérieusement parce que ce soutien et ces initiatives ne seront pas suffisants pour sauver le secteur et la profession dans son ensemble.

«La crise va certainement durer. Et beaucoup de gens vont être démotivés et découragés ! Ceux qui démarrent dans la carrière artistique risquent aussi d’abandonner. Or, il faudrait un vrai travail de profondeur», a-t-il affirmé.

Selon ses dires, même les 6 millions de DH de la FNM  ne suffisent pas pour tenir. Mais, il faudrait, estime-t-il, au moins, une enveloppe budgétaire de 50 ou 60 millions de DH qui peut aider les gens à surmonter cette étape difficile.

Toutefois, pour que les artistes marocains puissent vivre et travailler, il faut aider aussi les structures qui leur donnent la visibilité, a-t-il ajouté. En d’autres termes, la mort des galeries serait terrible pour la scène artistique. «Il ne faut pas réfléchir seulement à court terme mais sur un an ou un an et demi», a-t-il insisté.

De l’urgence de la digitalisation de la culture

Il va sans dire que la crise sanitaire a poussé un certain nombre de professionnels des métiers de l’art à chercher d’autres issues pour donner plus de visibilité à l’art et aux artistes. D’où l’urgence de la digitalisation de la culture.

«Les univers digitaux ont trouvé des solutions pour accompagner la digitalisation de la culture», a indiqué Hicham Daoudi. Selon ce dernier, il est temps d’ouvrir un grand chantier de la digitalisation de la culture. Et d’ajouter : «L’Etat doit investir sur les outils de visibilité de l’art marocain».

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