L’avocate iranienne Nasrin Sotoudeh entame une grève de la faim

Arrêtée une première fois en 2010, pour «diffusion de propagande» et «conspiration mettant en danger la sécurité de l’Etat» lors des manifestations qui avaient fait suite aux élections contestées de Juin 2009, l’avocate iranienne Nasrin Sotoudeh avait été condamnée à 11 années d’emprisonnement.

Il lui avait été reproché de défendre des activistes et des hommes politiques de l’opposition ainsi que des prisonniers condamnés à la peine de mort pour des crimes commis lorsqu’ils étaient encore mineurs ou encore des femmes qui ont refusé de porter le voile. Graciée deux années plus tard, elle fut de nouveau arrêtée le 13 Juin 2018 et condamnée à 10 ans de prison et 148 coups de fouet pour «incitation à la débauche» après avoir défendu une femme arrêtée lors d’une manifestation contre l’imposition du voile.

Croupissant depuis ce jour dans la tristement célèbre prison d’Evin, à Téhéran, avec d’autres prisonniers politiques dont la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah, son emprisonnement a fait l’objet d’une importante mobilisation internationale. Aussi, après qu’elle ait obtenu, en 2012, le prix Sakharov du Parlement européen, c’est l’Association des magistrats allemands qui, pour faire résonner sa voix sur la scène internationale a décidé, ce 1er Septembre, de lui attribuer son prix pour les droits de l’Homme.

Relayant la déclaration par laquelle l’avocate, dénonçant les conditions d’incarcération des prisonniers politiques détenus pour des motifs «invraisemblables» a réclamé leur libération à l’instar de ces dizaines de milliers de détenus de droit commun qui avaient quitté leurs cellules dès l’apparition de la pandémie du nouveau coronavirus, son époux, Reza Khandan, a annoncé qu’elle a entamé une grève de la faim le 11 Août dernier.

Ayant perdu 7 kilos après 24 jours de grève, son état de santé, qui inquiète profondément son époux et ses proches, a fait dire à Hadi Ghaemi, le directeur exécutif du Centre pour les droits humains en Iran (CHRI) basé à New York, qu’en «n’ayant pas trouvé d’autre moyen que la grève de la faim, Nasrin Sotoudeh a mis sa vie en jeu pour plaider la libération de gens qui n’auraient jamais dû se retrouver en prison (et) pour attirer l’attention sur la situation critique de milliers de prisonniers politiques en situation d’extrême vulnérabilité complètement ignorés par le gouvernement et le système judiciaire». Le directeur du CHRI ajoutera, par ailleurs, qu’avec les milliers d’arrestations pour «raisons politiques» qui ont eu lieu ces derniers mois, l’Iran traverse une phase de «répression sans précédent».

Dans un rapport publié la semaine dernière sur la base du témoignage de 500 personnes arrêtées après des manifestations, Amnesty International indique qu’après lui avoir signalé qu’elles ont fait l’objet de procédures judiciaires abusives, ces dernières lui ont signalé qu’une « épidémie » de tortures sévit dans les prisons et que des simulacres de noyades et des agressions sexuelles y sont perpétrés.

Le Centre «Abdorrahman Boroumand pour les droits de l’homme en Iran (ABC) basé a Washington, a déploré, de son côté, l’importante propagation du Covid-19 à l’intérieur des prisons iraniennes et reproché à ces dernières de ne pas appliquer les mesures d’hygiène requises. Il signalera, par ailleurs, que «les prisonniers discutent avec leurs co-détenus, font des demandes aux gardes, aux responsables de la prison mais rien ne se passe. Alors, il leur reste la grève de la faim».

L’appel que tente de faire, par cette grève de la faim Nasrin Sotoudeh en direction de la communauté internationale pour la sensibiliser sur l’absence de justice et sur les conditions de détention qui sévissent dans les prisons iranienne sera-t-il entendu par le régime des mollahs ou ce dernier se contentera-t-il de lui réserver le même sort que celui que le régime d’Erdogan a réservé à sa consoeur turque Ebru Timtik, morte, la semaine dernière, après une grève de la faim qui aura duré 238 jours ? Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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