Amateurisme politique et information

De mémoire de Marocain, jamais un gouvernement n’a fait autant preuve d’amateurisme politique et de négligence aussi catastrophique, surtout à l’heure de la communication et en plein désarroi populaire.

Depuis le 2 mars dernier et l’apparition du premier cas de coronavirus au Maroc, le gouvernement a été mis à rude épreuve, comme la plupart des pays. Mais chez nous, les décideurs ont fait preuve d’une mauvaise communication sur toute la ligne.

Six mois après, la mauvaise communication se poursuit avec une inconscience inouïe, sans que l’Exécutif ne tire les leçons de ses précédentes sorties médiatiques, déplacées et impromptues, qui ne tiennent pas compte de l’élément temporel et spatial, comme si les humains étaient des robots et qu’il suffirait d’appuyer sur un bouton pour que des millions de personnes se mettent en rangs de combats contre la pandémie.

Le cafouillage et le «faire-vite» se poursuivent depuis dimanche 6 septembre 2020, la nuit, quand  la MAP avait publié le communiqué du gouvernement, apparemment «adopté» à la hâte, que les médias en ligne et les réseaux sociaux ont vite reproduit, causant , encore une fois, la panique et l’anarchie au sein de la population.

Depuis trois semaines, le chef du gouvernement et les ministres directement impliqués dans la grave et délicate conjoncture de la pandémie sont quasiment absents et n’apparaissent que l’instant pour louer l’action de l’Exécutif ou alerter sur les dangers encourus, sans aucune explication de la situation, de son évolution quotidienne et des menaces qui guettent le pays.

En d’autres termes l’on croit que par le «combien» de cas de nouveaux infectés, guéris et décès, le tour est joué pour calmer une population en mal d’information. Alors que l’essentiel est de savoir le «comment» et le «pourquoi» de ces augmentations et l’utilité des tests, de leurs délais et avantages.

En tout et pour tout, ce ne sont que quelques interventions qui se comptent au bout des doigts d’une seule main, et qui ne sont ni ciblées ni préalablement bien préparées, et qui vont atténuer les craintes, alors que d’aucuns responsables, directement impliqués en première ligne dans la lutte contre la pandémie, sont portés aux abonnés absents.

La logique aurait voulu que le gouvernement adopte une attitude de grande responsabilité qui soit perçue, quotidiennement, par les citoyennes et les citoyens comme un moyen d’avoir été entendus et compris.

Surtout que la hausse drastique des cas positifs au niveau de Casablanca est connue depuis au moins trois semaines. Pourquoi avoir attendu tout ce temps pour sortir, quelques heures avant son application, une mesure qui nécessite une bonne préparation matérielle et psychologique?

Car la population est restée démunie et livrée à elle-même, face à l’augmentation inexpliquée des cas,  mais aussi face à la cacophonie gouvernementale qui avait voulu laisser la population complètement désorientée.

Trop de questions sont restées en suspens, comme les isolements à domicile, la non prise en charge des personnes contacts de porteurs sains, la pertinence des tests…

Une population sous-informée

La population est fortement sous informée. Aussi, le développement d’informations contradictoires, comme celles sur le port non obligatoire du masque de protection, l’utilité d’un test qui n’est plus valable après 48 heures, les critiques sur sa validité, sont autant de questions qui ont dérouté la population.

Certes, un certain effort d’information a été accompli par le gouvernement et il ne faudra pas le nier. Mais cela s’avère très insuffisant, surtout avec son contenu inadapté, alors que, normalement, au lieu de laisser les Marocaines et Marocains somnoler devant de sombres fictions turco-mexicaines sans aucun apport intellectuel ou éducatif, ne pourrait-on pas interrompre, à longueur de journées, ces feuilletons par des spots d’explications, de manière régulière et didactique, en expliquant encore et toujours?

Face à ce manque d’informations, la population est donnée en proie aux fakes news et aux thèses les plus contradictoires, venant souvent de personnages en mal de réputation qui trouvent en une population mal informée et sans aucune explication fournie, des victimes tout indiquées à induire en erreur et à mobiliser sur les réseaux sociaux et de bouche à oreille pour, souvent, faire privilégier la théorie du complot.

L’effort doit être fourni au niveau du respect des mesures de distanciation, qui sont fortement secouées par de nombreux citoyens, notamment dans les marchés et les cafés, sans aucun contrôle ni application de la loi en matière de port des casques de protection ni des distances règlementaires.

C’est là le véritable enjeu, loin des décisions irréfléchies et intempestives.

Mohamed Khalil

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