Les polonaises réclament leur droit à l’IVG sans conditions…

Nabil El Bousaadi

L’arrivée en Pologne, en 2015, du parti ultra-catholique nationaliste «Droit et Justice» (PiS), avait crée un climat favorable au durcissement de la loi sur l’avortement alors même que celui-ci n’était autorisé que dans les cas où la grossesse constitue un risque pour la vie ou pour la santé de la femme, quand l’examen prénatal révèle qu’une pathologie irréversible affecte l’embryon ou, enfin, si la grossesse est consécutive à un viol ou à un inceste.

Mais, si, en 2016, une première mobilisation des femmes contre tout durcissement de cette loi avait fait reculer le gouvernement, ce dernier était revenu à la charge en janvier dernier en formulant son souhait d’interdire l’avortement en cas de malformation du fœtus. Or, avec le ralentissement de l’activité du fait de la crise sanitaire mondiale, cette décision fermement dénoncée par l’opposition et par les organisations de défense des droits des femmes n’a pu être « validée » que la semaine dernière.

En effet, ce n’est que jeudi que le Tribunal Constitutionnel polonais a proscrit l’Interruption Volontaire de Grossesse en cas de malformation grave du fœtus. En conséquence, l’avortement ne serait plus autorisé que dans les cas de viol, d’inceste ou de risques graves pour la vie ou la santé de la mère qui ne représentent  pas plus de 2% des interruptions de grossesses pratiquées ces dernières années.

Si donc, selon les données officielles, la Pologne qui compte quelque 38 millions d’habitants aurait enregistré près de 1.100 interruptions volontaires de grossesse en 2019 et que celles-ci auraient été motivées, dans leur grande majorité, par une malformation irréversible du fœtus, certaines ONG parlent, quant à elles, de près de 200.000 avortements qui auraient lieu chaque année soit clandestinement dans le pays soit dans des cliniques étrangères.

Or, si la présidence et l’épiscopat polonais ont exprimé leur «satisfaction» après le jugement rendu ce jeudi par le Tribunal Constitutionnel, Dunja Mijatovic, la Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe a immédiatement dénoncé, dans un communiqué, une grave «violation des droits de l’Homme», Donald Tusk, le chef du Parti populaire européen (PPE), ancien président du Conseil européen et ancien Premier ministre polonais a condamné, de son côté, une «crapulerie politique» et des milliers de polonaises, bravant l’interdiction des rassemblements publics décrétée par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus et limitant ceux-ci à 5 personnes, sont descendues dans les rues, dans de nombreuses villes du pays, en scandant, à l’unisson, «Liberté, Egalité, Droits des femmes !» et en brandissant des banderoles sur lesquelles on pouvait lire «Honte» ou encore « Guerre aux femmes».

A Varsovie, elles étaient près d’un millier à s’être rassemblées aux abords de la maison de Jaroslaw Kaczynski, le patron du parti « Droit et Justice» (PiS), au pouvoir, en brandissant des banderoles sur lesquelles était écrit «Vous avez du sang sur les mains !». L’une d’elles, Magda, 34 ans, s’écriera : «Les femmes ne sont pas respectées dans ce pays. Personne ne nous écoute !». Le seront-elles après cette très forte mobilisation et ces manifestations qui durent depuis jeudi dernier ? Espérons-le et attendons pour voir…

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