Colère au volant : vraie ou fausse galère?

Par: Saad Bouzrou (MAP)

On reconnaît l’oiseau à son chant et l’arbre à ses fruits, mais l’on reconnaît également l’embouteillage d’une route à la fréquence des klaxons. Les bouchons, pour ainsi dire, pourraient-ils légitimer l’usage, intempestif ou non, du klaxon ? La question peut dérouter tant la réponse semble être, à l’évidence, positive.

La plupart des conducteurs arguent qu’ils n’y sont pour rien mais, autant le dire tout de suite : le klaxon ne changerait, dans l’écrasante majorité des cas, rien à la situation et pourrait, et c’est un secret de polichinelle, faire sortir de leurs gonds les autres usagers de la route et, par ricochet, provoquer une colère générale.

Véritable somme de facteurs illustrant l’encombrement de la circulation, les réactions à tous crins des conducteurs : le pont Hassan II reliant Rabat et Salé. Exemple entre plein d’autres au Maroc de la fuite de tous les matins entre 7h et 9h vers les lieux du travail, mais aussi du grand retour d’un essaim de gens le soir, aux heures de pointe.

Après le calme trompeur de l’aube, la vallée de Bourgreg sort vite de sa torpeur au lever du soleil. Voitures, motos et camionnettes fusent de toutes parts et s’entassent, au confluent d’une seule entrée du pont, pour se frayer un chemin vers la capitale administrative.

Mais pas que ! le concert des klaxons et le chœur d’opprobres démarrent illico presto. Et la flamme qui saura toujours l’allumer vient, tantôt des retards au feu vert, tantôt de ceux qui n’ont cure des autres et qui jouent des coudes pour changer subitement de direction, souvent aux dépens d’une tripotée d’automobilistes de toutes humeurs.

Les uns, épidermiques, pinaillent et renâclent à la moindre mésaventure. D’autres, plus rétifs au klaxon, préfèrent rester sages et conserver l’énergie matinale aux vraies besognes.

Somme toute, l’usage inopportun du klaxon ne peut s’expliquer que s’il est compris dans un ensemble communément appelé « colère au volant ».

Interpellé par la MAP sur ce phénomène, ses répercussions ainsi que les bons conseils pour y pallier, le psychologue Abdelilah Jarmouni Idrissi explique que « le manque de civisme au volant est sous tendu à la fois par des facteurs externes et des facteurs internes ».
Les facteurs externes, dit-il, ne sont pas nouveaux. « Ils ont commencé à se développer depuis une vingtaine d’années, avec la démocratisation de l’accès à une voiture à travers les crédits automobile plus facilement octroyés (…), tandis que les facteurs internes sont liés à notre personnalité ».

« Pour beaucoup, la voiture symbolise l’accès à un nouveau statut social, avec ce que cela représente dans l’imaginaire collectif, tant sur un plan conscient qu’inconscient, et ce changement de statut n’est pas toujours maîtrisé. Pour d’autres, elle représente l’autonomie, il n’y a plus de contraintes d’horaires limites ou de délais d’attente des transports publics », fait-il remarquer.

S’époumoner au volant et mal l’utiliser regorge également de plein de mauvaises surprises. En effet, selon M. Idrissi Jarmouni, l’incivilité au volant est totalement contreproductive, en ce sens que non seulement elle n’apporte rien à ses auteurs, mais augmente le niveau du stress général : « pollution sonore dépassant les seuils que nous pouvons nerveusement tolérer, craintes permanentes d’avoir un accident qui nous mettent en état d’anxiété épuisante, etc ».

Quant à la bonne conduite à tenir pour remédier à cet autre « mal du siècle », ou du moins en amoindrir la teneur, le spécialiste relève que chacun a sa propre relation « intime » avec son véhicule.

Il invite, à cet, égard chaque personne qui est prête à se remettre en question, à s’autodiagnostiquer, à travers des questions simples à se poser en temps réel : comment se fait-il que mon humeur change dès que j’ai roulé quelques minutes ? Pourquoi est-ce que je viens de klaxonner sans qu’aucune faute n’a été commise ? Comment est-ce que je me sens quand la circulation est dense ? Qu’il fait nuit ?

Se poser de telles questions permet en principe de prendre conscience des « émotions sources » et d’être en plus grande capacité de les maîtriser, assure-t-il.

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